remuer les souvenirs - ticia & wren

Je n'avais pas beaucoup dormi la veille, j'avais enchaîné les gardes à l'hôpital pour remplacer une collègue absente, et puis cela m'arrangeait je n'avais pas envie d'être seule chez moi. Je déteste rentrer, voir cette maison vide, devoir manger seule devant une série télévisée bidon qui n'allait pas me passionner. Lorsque j'étais rentrée, je m'étais enfouie dans mon pyjama pour finir par m'aplatir dans mon lit sans même avoir pris la peine de manger quelque chose. Lorsque j'ouvre les yeux en sursaut en entendant toquer en bas de la porte. Je ne savais plus où j'en étais, mes volets n'étaient pas fermés, la lumière du jour me transperça directement les yeux, ma main se mit devant eux. Mes cheveux ébouriffés, mon maquillage mal retiré, j'espérais que je ne me déplaçais pas pour rien. Un long soupire et j'ouvre enfin, une seconde et puis deux, l'information est transmise à mon cerveau : Wren ! Ni une, ni deux, je tente de fermer la porte. Mais son pied me bloque. En peu de temps je me dis, bordel il vient quand j'ai une tête de miséreuse, que va t-il penser de moi, que fait-il ici ?
- Pourquoi tu es là ?

Je ne comprenais pas ce qu'il faisait là, cela me faisait remonter ce mauvais souvenir en moi : ma fausse couche. S'il n'y avait pas eu cet événement, je n'aurais sans doute pas disparu, je ne voulais pas qu'il le sache à cette époque, il avait besoin de se concentrer sur sa carrière. Suite à cela, je m'étais effondrée psychologiquement. Il s'invite à entrer, je ne peux rien dire, qu'il est déjà chez moi. Je ferme la porte, je passe ma main dans mes cheveux, constatant des nœuds résistants. Bienvenue chez la femme préhistorique ! Et puis ce qu'il me demande me choc encore plus. Redevenir sa partenaire ?
- C'est gentil de proposer mais... j'ai déjà une future carrière en pédiatrie qui m'attend !
Pourtant plusieurs fois j'aurais aimé remonter sur la glace, patiner jusqu'à ne plus en pouvoir, me libérer. Mais je refuse, car je sais que je craquerai, je finirais par laisser mes études pour revenir à cette passion. Mais à l'heure d'aujourd'hui mes études sont tout ce que j'ai.
- Donc tu reviens après tout ce temps, juste pour que je sois encore ta partenaire ? C'est tout ?

Il me fait encore remonter les souvenirs, je nous revoie gagner cette médaille d'or. Nous étions si heureux de l'avoir eu, nous nous étions donnés tellement de mal pendant plusieurs semaines pour avoir un résultat parfait. Depuis, beaucoup de temps avait passé, beaucoup de choses avait changé.
- Depuis que je suis partie, je n'ai pas patiné. Le seul sport que je fais, c'est de courir dans les longs couloirs de l'hôpital. Franchement tu me vois retourner sur la glace ?
Bon, c'est comme le vélo, normalement ça ne s'oublie pas. Mais je n'avais plus cette confiance que j'avais avant.
- Et j'en fais quoi de ma vie actuelle alors ? Je plaque tout, je retourne patiner pour que tu remportes encore une médaille. Et puis quoi après ?

Je l'écoutais, il avait intérêt d'avoir des arguments en béton, car pour en arriver où j'en étais en pédiatrie, je m'étais donnée tellement de mal, ça m'avait demandé tellement d'heures à réviser, où ma vie avait été mise complètement de côté, où je ne m'étais pas amusée, où je n'avais pas voulu profiter de ma vie correctement. Pendant qu'il s'installa sur le canapé, je laissais deux cafés couler, j'attrapais les deux tasses et de la brioche pour que je puisse enfin avaler quelque chose. Je déposais naturellement la tasse devant lui, sans lui avoir demandé, comme une vieille habitude, lorsque je me servais quelque chose automatiquement je lui faisais aussi.
- Avec tout ce qu'il y a eu, tu me voudrais encore en partenaire ? Tu te souviens encore que je t'ai planté du jour au lendemain, que je ne t'ai jamais rappelé ?
Malgré ça, il était tout de même là, prêt à me faire dire oui à sa proposition.

Il devait bien pourtant y avoir une autre jeune femme dans la nature qui avait mes capacités et peut-être même des meilleures. Bien qu'entre lui et moi, il y avait toujours eu cette petite chose en plus, nous arrivions à faire passer de vraies messages à travers notre talent.
- Bon, je viendrais demain, je verrais ce dont je suis encore capable, si je ne suis pas trop rouillée. Mais... attention ce n'est pas un oui, je dois réfléchir.
Et je savais bien que j'allais me triturer le cerveau pendant des heures pour avoir une réponse. Parce que je voulais absolument garder mes études et je devais tout de même dormir, entre tout ça, il fallait que je vois si c'était possible au niveau de mon emploi du temps, qui n'était pas forcément simple. Alors que je mangeais mon morceau de brioche, je faillis m'étouffer lorsqu'il m'informa que je devais peut-être lui dire la raison de mon départ. Je laisse d'abord un silence s'installer avant de dire bêtement.
- C'était compliqué, j'avais eu un problème...