I've got you brother (ft. Andrea)

«If I was dying on my knees
You would be the one to rescue me
And if you were drowned at sea
I'd give you my lungs so you could breathe
I've got you brother»

C'est vrai que t'étais pas la sœur ─et même la jumelle─ parfaite, t'étais pas non plus du genre à vanter leurs mérites, mais tu voulais pas non plus qu'ils croient que tu les aimais pas, car ce serait un gros mensonge. Trop fière pour l'avouer, la famille c'était pratiquement tout pour toi, qu'est-ce que tu ferais pas pour eux sincèrement, mais comme tout le monde le savait tu possédais un caractère de merde qui faisait qu'on dirait que t'es ce genre de fille qui se soucie de peu de choses concernant les autres.

Malgré les apparences, t'étais au terrain de football pour voir ton frère jouer. Tu savais que depuis son accident à l'université, il ne jouait plus professionnellement, mais à l'occasion t'allais le voir s'amuser, avec plus ou moins assez d'intérêt. Tu faisais du sport, t'aimais assez bien courir, mais le foot... Nah, tu passais ton tour. Tu connaissais les règles, tu regardais parfois les matchs, mais t'en entendais tellement parler qu'au bout d'un moment, ça te soûlait. Que soit. Assise sur les gradins, tu regardais ce que ton jumeau faisait en envoyant distraitement des messages à un ami. Enfin... Ton unique ami. Tes yeux rivés sur le terrain en attendant une réponse, t'as un mauvais pré-sentiment. Et ton sixième sens te mentait jamais. Et puis, finalement, c'est en voyant la jambe d'Andrea flancher et en voyant sa moue de douleur que tu n'hésites pas une seconde pour te lever, courir jusqu'au gazon et pousser tout le monde pour t'assurer qu'il va bien.

-Andrea ! T'as besoin d'aide pour te relever ? T'es vraiment con, ça fait longtemps qu'on te dit de pas trop forcer à cause de ta blessure et tu te retrouves toujours dans des situations comme ça, tu peux pas t'empêcher de l'enguirlander comme un gosse. T'es juste inquiète, t'y peux rien, et t'es vachement nulle pour montrer plus gentiment tes émotions.

«If I was dying on my knees
You would be the one to rescue me
And if you were drowned at sea
I'd give you my lungs so you could breathe
I've got you brother»

Le sport c'était ta vraie nature, ta nature profonde. Tu n'avais jamais réussi à vraiment arrêter, même quand tu t'étais blessé à l'université et que tu avais dû arrêter le haut niveau. La fin de ta vie, pour toi. Arrêter, c'était comme te demander d'arrêter de respirer. Complètement impossible. Alors, rééducation oblige, tu avais tout fait pour reprendre, têtu que tu es. Bien évidemment, tu n'as jamais pu reprendre au niveau où tu étais avant ton accident. Tant pis pour toi, destin oblige, ou peut-être pas, mais tu n'avais jamais forcé pour autant, tu n'avais pas envie de finir amputé ou quoi. Oui, tu pouvais être un véritable hypocondriaque quand tu t'y mettais, mais fallait te comprendre, c'était pas ta faute à toi, c'était celle des médecins qui avaient un peu trop d'imagination pour toi.

Alors oui, c'était comme ça que tu te retrouvais en train de jouer au soccer, encore et toujours. Tu adorais ça, ça te manquait et tu ne pouvais pas t'empêcher, de temps en temps de faire un match amical avec des anciens coéquipiers, des collègues ou n'importe qui intéressé par l'idée. Le match n'a pas vraiment eu le temps de commencer que déjà l'adrénaline te monte au ventre. Tu aimes ça, tu adores ça, et t'as besoin que ça continue. Tu sais pourtant que ça finira bien par avoir ses limites et qu'à un moment ou un autre tu finiras par fatiguer et tu regarderas avec beaucoup de nostalgie le match depuis le banc des remplaçants. Une poisse dont tu n'arrives pas à te sortir mais qui te suit depuis quelques temps déjà. Et tu t'amusais trop pour penser aux risques insensés que tu prenais juste pour ressentir ce que tu avais pour habitude de ressentir sur un terrain, à courir comme un dératé, pour le plaisir. Du terrain tu observais les gradins. T'étais ravi. Pour une fois, ta jumelle avait daigné bouger ses fesses pour te voir jouer. Ca te faisait on ne peut plus plaisir. Tu avais l'impression de partager un moment privilégié avec elle, même si c'était à sens unique. Qui s'en préoccupe de toute façon ? Enfin, tu n'aurais pas dû jeter autant de coups d'oeil aux gradins et certainement plus te préoccuper de là où tu courrais. Eh oui ! Pauvre petit Andea, tombé comme une merde, affalé contre l'herbe du terrain. Face contre terre. Ton genou avait faibli et ta jambe avait flanché seulement quelques instants après. La chute avait été brutale. Certainement plus pour tes dents que pour ta jambe, mais tout de même. Tu ne peux toutefois pas nier, ça t'a fait sacrément mal d'avoir le mauvais appui en tombant. Et de tomber aussi, bien sûr.

C'est en t'écartant du sol que tu réalises que tout fonctionne au ralenti. Enfin, sauf ta soeur qui te réprimande comme si t'avais trois ans... et qu'elle était ta mère. Non mais je te jure ! En même temps, elle n'a pas tort non plus. -Ouais, steuplé. tu soupires. Elle a raison, ça te fait tellement mal de l'admettre. -Ca va, t'inquiète, c'est rien, je suis juste tombé. J'avais le mauvais appui. Mais ça va. Tu parles ! Tu disais ça tu n'étais même pas relevé et tu ne savais même pas si ça allait vraiment. Mais voir ta soeur réagir comme ça, pas de doute, tu te dois de la rassurer. Et puis si c'était vraiment grave, tu gémirais de douleur, non ?

«If I was dying on my knees
You would be the one to rescue me
And if you were drowned at sea
I'd give you my lungs so you could breathe
I've got you brother»

C'était faux de croire que tu étais insensible à ce qui se passait dans ta famille, notamment lorsqu'il s'agissait de ton jumeau. Vous étiez peut-être différents comme la lune et le soleil, mais vous marchiez par paire et l'un était indispensable pour l'autre. Tu savais bien ce qu'il ressentait à propos de son genou et le fait qu'il ne pouvait plus faire autant de sport qu'avant, il avait l'air de bien avancé mais tu voyais que, parfois, quelque chose lui manquait. Peut-être que lui aussi ressentait le fait que tu leur mentais à propos de quelque chose, que dans le fond, ça te rendait mal, mais parfois il est plus judicieux de se taire et de laisser la personne venir nous parler, tôt ou tard.

A le voir s'éclater sur le terrain de foot, t'avais un peu mal quand même, car tout autant que lui, tu savais que c'était momentané, mais que ça lui procurait bien plus de plaisir que quoique ce soit. Chez les Manson, vous étiez forts, et tu ne te doutais pas du fait que quoiqu'il arrive, Andrea saurait se relever. Même si vous aviez vos grosses différences, vous aviez aussi vos gros points communs, comme le fait d'être rarement mis au tapis ou encore le fait d'être têtu et de ne jamais abandonner l'idée qu'on a en tête. Fallait dire que dans votre famille, vous étiez des spécimens, mais t'étais quand même assez heureuse d'en faire partie malgré le fait qu'on dirait pas trop que c'est le cas tout le temps.Alors, le voir tombé, ça avait été l'élément déclencheur de ton réflexe, et en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, tu avais filé jusqu'au brun pour savoir si il allait bien, et bien sûr, l'engueuler sinon tu serais une jumelle indigne, déjà que c'était pas sûr que tu sois sa jumelle tous les jours et que les gens avaient toujours du mal à vous croire quand vous le disiez. Du coup tu le grondes un peu comme un enfant, et tu t'arrêtes dans ta tirade en remarquant toi-même que t'es trop chiante à lui dire ça, alors tu te contentes de l'aider à se relever doucement pour ne pas que vous finissiez par faire pire.

-Tu sais, c'est pas parce que je t'insultais d'handicapé avant que t'étais obligé d'en devenir un, je pensais que ton absence de cerveau comptait déjà comme un handicap sévère, te moques-tu de lui, un sourire en coin.

Dès qu'il le peut, t'accompagnes Andrea hors du terrain pour l'asseoir sur le banc de touche, t'installant à côté de lui, si il avait besoin de quelque chose, il te le dirait bien non ? T'étais pas là pour le materner non plus, il était majeur et vacciné, il savait quoi faire et quoi demander pour son bien. T'en étais sûre. Car même si il était con comme ses pieds parfois, vous étiez pas jumeaux pour rien.