Call, cry, kiss ~ Lyhley

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Lyhla posa la tête contre le siège passager, fermant les yeux. Elle mit un certain temps à répondre. Non pas parce que son cerveau tournait au ralenti, mais surtout parce qu'il passait d'une pensée à l'autre, sans arrêt, sans qu'elle ne puisse définir son choix, ou une quelconque envie. Comme une abeille allant de fleur en fleur sans se stopper dans sa course pour savourer. Et puis, lentement, une envie s'imposa. Une de celles qui reste, longtemps, indéfiniment, gravée en vous. Celle que vous faites tout le temps, celle que vous choisissez dans n'importe quelle situation, parce que vous ne pouvez pas faire autrement. Parce qu'elle s'impose, tout simplement.

« Tant qu'je peux pisser. Et prendre une douche. » marmonna Lyhla, réprimant un haut-le-cœur quand son odeur première emplie de relents surpassa la fragrance d'Ainsley. Elle prit le temps de se calmer, continuant sa course effrénée au milieu de pensées et de sensations toutes plus différentes les unes que les autres.

Ce furent les douces caresses d'Ainsley sur sa main qui lui firent rouvrir les yeux, ou plutôt les entrouvrir, et lui donna assez de courage. « Reste avec moi... » lâcha-t-elle dans un souffle, ne se sentant pas de finir cette nuit seule. Sans connotation sexuelle. Elle voulait juste qu'elle soit là pour veiller sur elle cette nuit. Elle ne voulait pas être seule, par peur de mourir, et parce qu'elle savait qu'elle ne pourrait s'occuper d'elle-même. Et, avouons-le, parce qu'avoir une jolie femme à son chevet est toujours mieux.

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« Tant qu'je peux pisser. Et prendre une douche. » J'éclatais de rire, Lyhla et moi étions si différentes et pourtant, il n'y avait qu'auprès d'elle que j'éprouvais une telle symbiose. « Vendu. » Fis-je en rejetant mes cheveux en arrière. Ce fut lorsque je tentais de me relever que son murmure vint me fendiller le coeur. « Reste avec moi... » Tout le temps. Elle était ivre, ça ne voulait absolument rien dire. « Promis. » Répondis-je sans défaire ma main de la sienne, l'aidant à sortir du véhicule sans encombre. Je m'assurais du regard que mon manteau la couvrait parfaitement avant de de nous engouffrer dans l'hôtel.

Je relâchais sa main à contrecoeur pour déverrouiller la porte à l’aide d’une carte d’accès et l’invitais à rentrer. Nous parvînmes à une chambre relativement sommaire à l'égard des prestations de l'hôtel, enfin, aussi sommaire que peut l'être une chambre de quarante mètres carrés dans un hôtel quatre étoiles ; un grand lit face à la mer, de grandes baies vitrées surplombant le port, de larges et épais rideaux, un divan deux places, une petite télévision accrochée au mur, un petit bureau et un minibar auquel je n’avais touché.
Bien que j’aie refusé les services de ménage journaliers, la chambre était impeccable ; les draps étaient parfaitement tendus sur le lit, j'avais pris soin de classer mes assortiments de thés personnels par degré d’intensité et de trier par couleur mes sempiternelles barres de céréales. La salle de bain était quant à elle imprégnée de mon parfum - une flagrance sur-mesure pour laquelle j’étais capable de débourser plus de deux-cent cinquante dollars par mois, les serviettes de bain, pliées au carré reposaient avec une élégance surréaliste sur le rebord de la baignoire.

Mes parents avaient insisté pour payer la note d’hôtel à plus de neuf cent dollars la nuit, même s’ils ne tarderaient pas à se manifester dans le cas où la situation devait perdurer. Mon père, dévoué en bon chef de famille n’avait pu se résoudre à me laisser assumer cette période de transition, bien que j’avoisinais les quarante ans et qu’il était à la retraite. Il s’était investi d’une mission ; celle de subvenir aux besoins de sa famille, même lorsque cela n’était pas nécessaire.

« Je te prie de bien vouloir m’excuser pour le désordre. » Fis-je en portant mon attention sur l’ordinateur portable qui trônait sur la table basse, la pile de journaux de la semaine et les quelques rapports d’autopsies sur le bureau, quoi que parfaitement alignés aux contours du meuble et le grand manteau imperméable posé négligemment sur une chaise. Je fus horrifiée de constater qu’une tasse de thé froid reposait sur le bar et m’afférais à vider son contenu dans l’évier de la salle de bain. Ce fut donc tout naturellement que je délaissais mon téléphone sur le bureau, lequel affichait diverses notifications en s’allumant brièvement : « un appartement correspondant à vos critères a été enregistré dans la base de données », « vente privée burberry », « votre panier bio chez mangezbioavancouver », « plus que 45% de batterie » ainsi que deux messages dont les aperçus indiquaient « demain, c’est l’anniversaire de grand-mère edith, au fait, saurais-tu ou je peux trouver… » et « j’ai passé une merveilleuse soirée en ta compagnie

, je rêverais de voir ta chambre … ».

« Je t'ai sorti une serviette de bain et des vêtements pour la nuit. » Fis-je en déposant la tasse nettoyée sur le bar, désignant une pile de tissus dans la salle de bain. J'y avais déposé des vêtements frais tout droit sortis du pressing, des matières nobles aux couleurs sobres ; un simple débardeur en satin ainsi qu'un pantalon en lin.

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Lyhla baissa le nez vers ses chaussures, n'ayant pas envie de croiser de regard. Même s'il y avait peu de monde, voire quasiment personne, elle connaissait suffisamment les clichés pour savoir que sa tenue et sa mine la cataloguait dans les « alcoolos ». Et elle avait suffisamment vu où ça pouvait mener des gens. Et déjà qu'elle était en dépression, autant ne pas rajouter des étiquettes à son cas.

Elle ne prit pas le temps d'admirer l'hôtel, se sentant mal à l'aise dans cet environnement. Elle avait déjà du mal à payer son loyer, parce qu'elle s'accrochait à une maison trop grande pour elle. Alors ici... Dans un lieu si grand, si propre, elle ne se sentait pas à sa place. Encore plus quand elle venait de passer des heures à s'enivrer et à vomir. Elle se sentait plus sale que jamais. Elle hésita même à s'asseoir dans le divan pour reprendre ses esprits. Elle finit par céder, Ainsley ayant disparu dans la partie cuisine.

Lyhla laissa ses yeux dériver dans la pièce, remarquant les boîtes de thé parfaitement alignées, les barres de céréale parfaitement classées, et les dossiers parfaitement rangés. Elle n'a vraiment pas changé, songea-t-elle, ce qui lui tira même un léger sourire. Pendant qu'Ainsley s'affairait, son portable vibra et s'alluma, agressant les yeux de la femme qui grogna. Elle détourna le regard, plus parce que ses yeux commençaient à larmoyer que par pudeur. Même si elle respectait la vie privée d'Ainsley, après quatre ans de séparation, cette dernière était semblable à une inconnue pour elle. Et la curiosité était l'un des nombreux vilains défauts de Lyhla. Ses prunelles glissèrent donc, comme de bien entendu, vers le portable d'Ainsley. Et puis, si ça se trouve il n'y a rien de personnel... Ce qui l'attrista un peu, parce que... Parce que je veux savoir si je peux reconquérir ma Ainsley... Non ? Si, c'est ça.

« J'ai passé une merveilleuse soirée en ta compagnie:coeur : , je rêverais de voir ta chambre... »
Lyhla déglutit difficilement, ses yeux s'humidifiant, et pas en raison de la clarté cette fois. Elle saisit, tremblante, le téléphone et le porte devant elle. « Je rêverais de voir ta chambre », c'est plus qu'une invitation au sexe, pas vrai ? Et bordel, c'est qui cette putain d'Aurore ?! Lyhla se leva, laissant tomber le manteau au sol en se dirigeant vers Ainsley, lui tournant le dos et occupée dans l'évier. « C'est qui, Aurore ? » demanda Lyhla, sentant qu'elle allait pleurer. « Ta compagne ? Depuis combien de temps ? Tu l'as rencontrée où ? »

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« C'est qui, Aurore ? Ta compagne ? Depuis combien de temps ? Tu l'as rencontrée où ? » « Je te demande pardon ? Et puis, rends-moi mon téléphone. » Fulminais-je en arrachant d'un geste brusque mon téléphone de ses mains. « Aurore ? » Mes sourcils se froncèrent d'abord avec une mince hésitation avant de s'imposer franchement comme une expression de colère. « Comment as-tu... » Il n'y avait pas besoin d'être un génie pour déverrouiller mon téléphone, la date de naissance de Ian faisait office de code depuis qu'il avait montré le bout de son nez. « Oh. » Fis-je soudainement en réalisant qu'elle s'était dénudée ou plutôt, qu'elle avait négligemment laissé tomber le manteau par terre. Je fus perturbée quelques instants, mon regard s'attardant sur sa poitrine, remontant à ses clavicules et retombant soudainement dans le creux de ses hanches. Je me serais donnée des claques. « Tout d'abord... ou en étais-je ? Ah oui, ça ne te regarde pas. Et ensuite, c'est ma vie privée. » Je pris la fuite en feignant de m'intéresser au vêtement que je ramassais pour le déposer sur un cintre. Ensuite et intriguée par sa réaction qui me dépassait - pour qui se prenait-elle ? Parce qu'elle pouvait librement découcher avec qui elle voulait, cette liberté ne m'était pas octroyée ? « J'ai passé une merveilleuse soirée en ta compagnie

, je rêverais de voir ta chambre, il parait que la vue sur l'océan est splendide à ton étage. D'ailleurs, j'ai enfin eu des nouvelles de mon compagnon, il n'avait plus de batterie, plus de peur que de mal ! Bon, à demain qui sait ha ha. » Lisais-je en exprimant un soupir de soulagement. Aurore n'avait pas fait mention de mon ex-femme que j'avais dépeinte comme une sorcière malfaisante et immature.
« Alors, pourquoi cette scène ? » Ce fut à ce moment que je compris. Si Lyhla n'avait pu accéder qu'à l'aperçu du message, je compris l'impression que les premiers mots pouvaient laisser penser. Pourtant, je ne compris pas sa réaction que je trouvais franchement déplacée. Et curieusement, je ne tentais pas de la rassurer en lui expliquant qu'Aurore était d'une part, hétérosexuelle, et d'une autre, qu'une cliente de l'hôtel avec qui j'avais sympathisé. « Il me semble que je ne me permets pas de te demander des comptes sur ta soirée au RainbowBimbo. Et de fait, je m'en fiche. » En réalité, je ne voulais pas savoir, c'était trop douloureux que de l'imaginer ne serait-ce que flirter avec une autre. « Et puis, tout ça est terriblement grotesque, Lyhla. J'ai bien conscience de la façon curieuse dont les choses se sont terminées entre nous. Pour autant, tu as signé ces papiers de divorce autant que moi. Et bon sang, ça fait quatre ans Lyhlan quatre ans. A quel jeu joues-tu ?»

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Lyhla resta plantée au milieu de la pièce, écoutant distraitement Ainsley. Elle sentait la colère et la peine monter en elle. Elle s'était faite des idées. Récupérer Ainsley... Quelle idée grotesque, comme tu dis.

Elle se tourna vers Ainsley, les yeux humidifiés de larmes, mais une lueur insolente les étincelant. Elle avait très bien vu le regard de son ex-femme sur son corps. Au moins, je lui fais toujours de l'effet... C'est un minimum de consolation. Je lui fais toujours perdre la tête et oublier ces mots et-Stop ! Arrête de divaguer, merde, et réponds-lui !

« Ouais. Ça fait quatre ans que je me tape chaque fille qui passe en essayant de t'oublier. Je suppose que j'ai le droit de rien dire. Et ouais, j'ai signé ces foutus papiers, parce que je n'avais ni l'argent ni le courage d'engager un avocat pour essayer de discuter avec toi. Et de toute façon, tu t'étais barrée, tu voulais que je fasse quoi d'autre ? Mon psy m'a dit de passer à autre chose, de me décrocher de cette putain d'emprise que tu as sur moi, et je l'ai écouté. J'ai essayé de passer à autre chose. Je me suis remise de l'accident, je me suis remise de la mort de Ian. Mais pas de ton départ. Ça, je n'ai jamais pu passer outre. Un matin, je me suis réveillée, et j'avais cette enveloppe dans la boîte aux lettres. Tu n'as même pas daigné m'adresser la parole. Ni même un mot ! Rien qu'un putain de mot ! Tu aurais pu me parler, on aurait pu surmonter ça ensemble, mais non, madame a décidé de m'abandonner et de se casser ! Alors tu sais quoi, ton Aurore, tu peux aller la rejoindre, je suis sûre qu'elle en serait ravie ! Et tu peux te carrer mon amour là où je pense. »

Mon amour ? Ah. Merde. L'alcool, ça délie vraiment la langue. Furieuse de s'être vendue plus que de tout le reste, Lyhla traversa la pièce à grandes enjambées, attrapa brusquement les vêtements sortis par Ainsley et fonça s'enfermer dans la salle de bain, sans accorder un seul regard à son ex-femme. Elle verrouilla la porte derrière elle, et, pleurant à chaudes larmes, se défit de ses vêtements pour s'enfoncer sous l'eau brûlante de la douche. Elle se recroquevilla sous le jet d'eau, prenant le temps de laisser passer sa crise de pleurs avant de se nettoyer, de se frotter avec force pour ôter cette odeur imprégnée dans son corps. Puis, trop fatiguée pour se savonner intensément, elle arrêta l'eau, s'habilla et ressortit, s'arrêtant dans l'embrasure de la porte pour regarder autour d'elle. Si ça se trouve, elle est vraiment partie rejoindre son Aurore...

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Ce ne fut que lorsque Lyhla daignait se retourner vers moi que je remarquais à quel point ses yeux s’étaient humidifiés ; elle semblait au bord des larmes. J’aurais pu la consoler si j’avais compris la cause de son chagrin, or, son ivresse lui faisait perdre toute crédibilité et je supposais qu’elle divaguait, perdue entre la réalité et le cauchemar.

Et puis Lyhla commença une tirade accusatrice et puérile dans laquelle elle exprimait n'être qu'une victime dans mon égoïsme exacerbé. Vexée de n’être réduite qu’à l’objet de sa colère, je m’adossais contre un mur en croisant les bras, lui signifiant me fermer à toute tentative de communication. Que ses dires soient sincères ou non – et ils ne l’étaient probablement pas du fait de son état d’ébriété qui parasitait certainement ses pensées -, je m’offusquais d’être prise en otage dans son monologue moralisateur, même si son « et tu peux te carrer mon amour là où je pense » résonnait en moi jusqu’à réveiller mes sentiments endoloris. Pourtant, j’étais persuadée qu’il s’agissait d’une maladresse voulant certainement exprimer une affection sincère que l’on éprouve envers son ex. Pour autant, mon cœur tambourinait furieusement dans ma poitrine.

Et puis, telle une furie, Lyhla s’engouffra dans la salle de bain, s’enfermant à double tour. Certaines choses ne changent jamais. J’enfilais un long châle en sortant de la pièce, emportant avec moi tout ce que j’avais tenté de fuir.

Je m’asseyais sur l’escalier de sécurité avec pour seule compagnie, l’écho de la voix de Lyhla qui me tourmentait ; elle avait tout d’abord évoqué sa vie sexuelle débridée, pour laquelle elle me remerciait en m’accusant de l’avoir abandonnée sans une once d’humanité. Et puis, elle avait joué sur la carte des sentiments, tentant de me faire culpabiliser en précisant que nous aurions pu éviter le divorce si j’avais daigné agir avec un peu de courtoisie.
Et je restais plantée là à ressasser ses paroles, à l’insulter de tous les noms, à me languir d'elle, à éprouver des sentiments complexes et contradictoires jusqu’à perdre le fil de mes pensées. De profonds sanglots sourds vinrent s’ajouter à ce mélodrame, tandis que je me balançais d’avant en arrière, imaginant un instant me laisser tomber dans le vide, en embrasant l’obscurité qui enveloppait la ville.

Je décidais de rentrer, éprouvant un sentiment partagé entre l’envie maladive de retrouver Lyhla, même si elle escomptait poursuivre ses reproches jusqu’à l’aube, et mon besoin de solitude qui me gagnait à mesure que je me laissais porter par le bruit des vagues ricochant contre les rambardes de sécurité. Je fis un léger détour par le restaurant de l’hôtel et remontais dans la chambre les bras chargés d’un grand café et d’un thé chaud, ainsi que des pâtisseries pour apaiser la faim qui devait probablement la tarauder, dans l’espoir que ces victuailles épongent l’alcool, plutôt que son foie.

« Je t’ai rapporté un café et de quoi éponger l’alcool. Je pense qu’il doit y avoir des beignets ou des croissants, je ne sais plus. Ah et j’oubliais. » Fis-je en poussant un long soupir, ne cherchant même pas à m’assurer qu’elle avait quitté la salle de bain, tant les échos de ses derniers mots me compressaient encore la poitrine. Si seulement son délire ne s’était pas arrêté au passé ! Si elle avait pu, ne serait-ce que murmurer qu’il croyait ressentir en utilisant le présent, peut-être y aurais-je accordé un peu de crédibilité...

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Lyhla, en se rendant compte de l'absence d'Ainsley, s'était de nouveau effondrée en larmes. Trouvant la force de tituber jusqu'au divan, elle s'était pelotonnée dessus, et avait pleuré tout son soûl. Quand Ainsley revint, sans la regarder, ses sanglots se coupèrent net, de surprise, et elle se releva, s'essuyant le visage dans le débardeur. Tant pis si ce n'était pas le sien, il finirait au lavage dans tous les cas, vu son odeur.

Se redressant en position assise, Lyhla riva des yeux stupéfaits sur Ainsley. Elle pensait vraiment qu'elle était partie rejoindre Aurore. Pourtant non, Ainsley était là, devant elle, à parler de café et de croissants. A penser à elle et pas à sa poufiasse. Lyhla sentit un espoir renaître, réparant quelques morceaux de son cœur brisé, recollant quelques pièces éparpillées. Elle se leva, rejoignit son ex-femme dans la cuisine et enroula ses mains autour du café, humant avec délice son parfum. Noir avec une pointe de crème, comme je les aime.

A la vue des croissants, son ventre émit un long gargouillement d'impatience, et elle s'empressa de s'installer, attrapant une pâtisserie et la trempant dans la boisson avant d'en mordre une grosse bouchée. Vorace, elle le grignota néanmoins par petits bouts par la suite, voulant éviter de vomir de nouveau. Elle leva de grands yeux bleus interrogateurs et innocents vers Ainsley. « Qu'est-ce que tu as oublié ? » demanda-t-elle tout en relevant le débardeur pour se gratter le ventre. Lasse de se tourmenter de questions sans réponses, elle avait décidé de stopper ses réflexions et d'agir instinctivement. Et son instinct lui disait de se gratter le ventre !

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« Qu'est-ce que tu as oublié ? » Mon coeur. J'ai oublié mon coeur dans ta poitrine. « Je ne sais plus. Ce ne devait pas être si important. » Répondis-je en reposant mon manteau avec une précaution extrême, j'osais finalement croiser son regard en pivotant dans sa direction, dévisageant une Lyhla aux yeux rougis recroquevillée sur le divan. Ses prunelles étincelantes se posèrent un instant sur les miennes et je plongeais aussitôt dans le lac limpide de ses grands yeux bleus. Les grands yeux de Ian. Elle me donnait l'impression de se dévoiler, se présentant à moi avec tant de candeur que je manquais de tomber à ses pieds. Aussi, je détournais les talons pour reprendre mes esprits, profitant de cette occasion pour me débarrasser de mes chaussures que je rangeais derechef dans le placard, portant une main à mon coeur tant la sensation qu'il battait à tout rompre me donnait l'impression qu'il allait bientôt pousser son dernier battement.

J'hésitais un instant à m'assoir sur le divan avant de décréter qu'on était plus à ça près, observant Lyhla avec une mansuétude infinie, rassurée de la voir s'alimenter et se désaltérer, signe qu'elle retrouvait ses esprits et sa sobriété. « Lyhla. » Fis-je soudainement, tendant le bras pour saisir le gobelet de thé, afin de m'occuper les mains et accessoirement de me réchauffer - je laissais échapper un frisson. Je brûlais d'envie de lui demander la raison de sa présence au RainbowBimbo, mais craignant trop la réponse, je demandais : « Pourquoi m'as tu appelée ? Pourquoi moi ? » Je baissais la tête, feignant un soudain intérêt pour ma manucure que je faisais mine d'observer sous toutes les coutures. « Moi qui pensais, d'après notre dernière discussion... que tu me détestais au point de préférer mourir que me demander de l'aide. » Je me mis à rire, nerveusement et soupirais. Tout cela était si fatiguant. Trop fatiguant.

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« Pourquoi m'as-tu appelée ? Pourquoi moi ? Moi qui pensais, d'après notre dernière discussion... que tu me détestais au point de préférer mourir que me demander de l'aide. »

Lyhla sentit un long frisson la secouer. Elle finit son croissant, avala le café d'une grande goulée, et ce même s'il lui brûla la gorge. Elle avait bien besoin de caféine pour se donner du courage et affronter encore une fois le regard d'Ainsley. Elle avait bien besoin de courage. Du courage, du courage... chantonna-t-elle intérieurement. « Tu savais que j'avais appris le français ? Lâcha-t-elle abruptement avant de se racler la gorge, Tu as raison, on s'en fiche. »

Lyhla passa une main dans ses cheveux, nerveuse. « Parce que tu étais la première de mes contacts et... » Elle s'arrêta, la bouche entrouverte, hésitant à se lancer. Merde, tu n'as rien à perdre ! Tu l'as déjà perdue ! Et si ça se trouve, c'est ce qui te permettra de passer à autre chose...

« Et parce que tu es, parce que je... Je te déteste, pour m'avoir fait subir toute cette solitude et pour n'avoir pas cru en nous. Mais bordel, qu'est-ce que je t'aime encore, avoua-t-elle enfin en tournant la tête vers Ainsley, plantant ses yeux dans les siens, Je te hais d'être partie et d'avoir refait ta vie alors que je n'ai jamais réussi à le faire. Mais je t'aime. Je suis encore follement amoureuse de toi. Et j'en ai marre de me cacher, de me le cacher, alors... Ouais, je suis encore amoureuse de toi, Ainsley. » Elle s'arrêta là, la gorge serrée. Mais le poids sur son cœur s'était envolé. Je n'ai rien à perdre. C'est fait. Je n'ai rien à perdre. Putain, qu'est-ce que je veux qu'elle me réponde « Je t'aime aussi » !

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« Ah oui ? » Répondis-je, par réflexe. Pour autant, j’éprouvais un intérêt vif pour sa confession, passionnée par la découverte des cultures. Néanmoins, la culture française ne m’intéressais guère, peut-être était-ce dû à la proximité de l’Angleterre et de la France, pour avoir visité à de nombreuses reprises le territoire. « Pas du tout. » Ajoutais-je en français, dessinant un sourire taquin du bout des lèvres. J’ignorais si Lyhla s’en souvenait mais il était de notoriété publique que je comprenais cette langue. Je n’étais peut-être pas en capacité de converser librement mais je parvenais à comprendre les publications médicales rédigées en français. J’avais participé de surcroît à de nombreuses conférences à Paris.

C’était donc ça. Une simple question de tri par ordre alphabétique dans le répertoire. Réprimant un léger rictus, je détournais la tête un instant. Cela avait si naïf de ma part de croire en une raison plus mystérieuse, plus poétique. Une nouvelle fois, je me serais donnée des claques.
Alors que je songeais à prétexter la fatigue pour mettre un terme à cet échange, je fus interrompue dans mes pensées par la voix de Lyhla et me sentis rougir à mesure qu’elle déversait un torrent de sentiments complexes et confus, attrapée par ses deux grands yeux bleus en plein vol. A cet instant, ses paroles me donnèrent l’impression de panser mes blessures, réduisant à néant mes efforts pour nier ce que je ressentais en retour. Je brûlais d’envie de lui répondre que je partageais ses sentiments, que je regrettais la façon dont les choses s’étaient terminées entre nous et que je rêvais de reprendre ce qui avait indubitablement été laissé en suspens. Aussi, je réalisais que c’était en cela que consistait le problème.
Notre relation avait un goût d’inachevé, parce que je ne nous avais pas laissé l’opportunité de surmonter nos difficultés. Reprendre notre relation aurait été facile, c’était comme rentrer à la maison, ça avait un quelque chose de rassurant. Pour autant, je chassais rapidement cette pensée. S’il avait été question d’un nouveau départ, les choses auraient été différentes. Cela me donnait l’impression de reconstruire une maison sur des fondations bancales. J’étais trop épuisée pour me laisser porter par un nouvel échec. Et très honnêtement, je ne savais plus très bien ou j’en étais, ni ce que je désirais.

« Tu ne sais pas ce que tu dis. En fait, je suis persuadée que tu t’accroches à cette relation pour te rassurer. Je pense que tu te méprends sur tes propres sentiments parce qu’il te manque une fin à notre histoire et… » Comme j’aurais aimé qu’il en soit le contraire ! « Et je m’excuse sincèrement pour ça. Avec le recul, j’imagine qu’il y avait bien d’autres façons d’affronter tout ça, c’était un peu lâche, c’est vrai. » Je me surpris moi-même devant autant de contenance, comme si cela dénotait une certaine gêne à l’idée de parler de ce que je ressentais vraiment. « Tu sais bien ce que je pense du mariage, ou du divorce. » J’avais songé à déposer une demande d’annulation de mariage. Maintenant, je ne croyais plus en rien. « Ce qui implique que cette décision était… ça m’a brisé le cœur. Et à l’époque, je ne pouvais pas t’en parler. Tu n’aurais pas compris. J’ai pensé que c’était la meilleure chose à faire. » Surtout pour moi. « Je le vois dans tes yeux. Je sais que tu attends une réponse de ma part. » Je t’aime moi aussi. Non. Enfin je ne sais plus. Je n’aurais pas la force de vivre si tu me brises le cœur. « J’aimerais te dire que je ressens la même chose pour toi. Mais… ça fait quatre ans Lyhla. J’ai rencontré d’autres personnes », des amis, « j’ai voyagé, j’ai vécu », pas grand-chose à vrai dire, à l’exception de mes interventions en zone de guerre, « je ne sais pas très bien ce que je ressens pour toi ». Croyant être sincère, j’eus pourtant la curieuse impression que ces mots ne traduisaient pas exactement les pensées qui me parasitaient lorsque je pensais à Lyhla. « Je suis désolé. » Si j’avais été persuadée de la véracité de ses mots, de la teneur de ses sentiments, peut-être me serais-je laissée aller à cette réponse évidente, moi non plus, je n’ai jamais cessé de t’aimer.

» I'll fly back to you, as fast as I can ~ Lyhley
» Holy cr*p... ! ~ Lyhley ~
» Hell ? No way. ~ Lyhley ~
» you'd say don't you cry, it's all gonna be alright - lyhley
» Will you, one day, give me another chance ? ~ Lyhley