Les retrouvailles... ♦ Josani

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de mon petit frère. De mon unique frère d’ailleurs. Cela fait des années que je ne lui ai pas souhaité, tout simplement parce qu’un jour j’ai compris qu’il était homosexuel et que je n’ai pas accepté son orientation sexuelle. C’est débile me diriez-vous, de renier son frère parce qu’il n’a pas la même orientation sexuelle que vous. C’est comme si je le reniais parce qu’il n’avait pas la même religion… J’ai eu du mal à accepter que mon frère aimait les hommes. J’ai eu du mal à accepter le fait que je ne serais jamais tonton, du moins, pas par lui, à moins qu’il fasse appel à une mère porteuse, mais ce n’est pas la même chose. Depuis quelque temps, Melissa, ma femme, me pousse à retourner voir mon frère, à m’expliquer avec lui. Même s’il n’y a pas grand-chose à expliquer, puisque la seule chose que j’ai à faire à présent c’est lui demander pardon. Alors aujourd’hui, j’ai pris mon courage à deux mains. Après avoir demandé l’adresse postale de mon frère à mes parents j’ai décidé de m’y rendre. Me voilà maintenant, face à sa porte d’entrée. J’ai envie de faire demi-tour, mais je sais que si je rentre à la maison et que je dis à Melissa que je n’ai pas eu le courage de lui parler, elle va me faire la tête un moment et puis, il est temps que je lui annonce que je suis marié et papa d’une petite princesse non ? Voilà, j’ai toqué, plus qu’à attendre qu’il m’ouvre la porte… Même si je sais d’avance qu’il va me la claquer au nez quand il va savoir que c’est moi…

La porte s’est ouverte. Je ne m’attendais pas à ce qui me saute dans les bras, donc ça réaction ne m’as pas tellement surprise. Je me devais de canaliser ma colère également, je me le devais pour ma femme qui m’avait poussé à venir le voir aujourd’hui, ainsi que ma fille, qui serait surement plus heureuse avec un tonton gâteau… « Bon anniversaire Damani… Tu peux m’accorder seulement cinq minutes de ton temps s’il te plait ? » Je ne pouvais être plus aimable. Je ne pouvais être gentil avec mon petit frère. Notre relation à toujours été compliqué, il n’y a jamais eu de complicité entre nous. D’ailleurs, je me demande pourquoi on est aussi différent tout les deux, pourquoi tout nous oppose… Mais dans le fond, même si on ne s’aime pas vraiment, il reste mon petit frère et j’ai vraiment envie d’arranger les choses… « Ecoute, je ne suis pas venu ici pour qu’on se foute sur la gueule, je veux juste qu’on discute… Plus de dix ans sans se voir Damani… Tu ne crois pas qu’on a des choses à se dire ? Même si c’est pour me crier dessus et me dire ce que tu penses ou ressens, au moins tu m’auras parlé… » Je suis prêt. Prêt à tout me prendre dans la gueule. Prêt à ce qu’il m’injure, qu’il m’envoie boulet, chier… Mais je ne partirais pas d’ici tant qu’il n’aura pas discuter avec moi, tant pis si je dois y gâcher sa fête d’anniversaire.

C’était dur de se retrouver ici. Dur de se dire que mon propre frère m’envoyait bouler parce qu’en quinze ans je n’avais pas fait l’effort d’aller vers lui. C’est vrai qu’on n’a jamais été proche, alors je n’avais pas essayé de le contacter… Et puis, je ne voyais pas forcément les années passées, je me voyais pas forcément vieillir, mais c’est vrai, qu’aujourd’hui, quand je me retrouve face un mon petit frère qui est devenu un vrai bonhomme, je me prends un bon coup de vieux dans la gueule… « Je comprends que tu ne veuilles pas me voir, ma femme à demander à te rencontrer, pour ça il fallait que je fasse le premier pas… » Je fouille quelques instants dans mon porte feuille et en sort une photo de ma femme et ma fille. « Tiens, tu pourras la jeter quand je serais partie, mais jette au moins un coup d’œil sur ta nièce, Elena, elle n’a rien demandé elle, mais je voudrais qu’elle fasse partie de ta vie… » J’espère qu’une seule chose à ce moment là, c’est qu’il ne soit pas aussi rancunier que ça, pour jeter la photo de sa propre nièce, même s’il ne la connait pas, que c’est ma fille, il ne peut pas n’avoir plus de cœur du tout pour la famille, pour une petite fille innocente qui rêverais sans doute d’avoir un tonton pour l’emmener acheter des fringues, allez manger des glaces… Un tonton qui lui apprendrait pleins de bêtise à faire ensuite à ses parents…

Il m’envoie chier. Je m’y attendais. J’attendais pas à ce qu’il m’ouvre les bras grand ouvert, qu’il m’offre une bière, qu’on se pose tranquillement dans le canapé et parler de ce qu’on a louper dans la vie de chacun. Saut que là il commence sincèrement à pomper l’air, il commence à me faire monter la moutarde au nez. Je pousse alors sa porte d’entrée pour entrer dans son appartement. « Arrête de faire l’enfant Damani, t’es assez grand pour m’écouter merde ! Quand on était gosse t’en faisait qu’à ta tête, les parents n’ont pas apprécié que tu sois gay, mais ce n’est pas pour ça que j’ai arrêtez de te parler ! J’ai arrêtez de te parler parce que je t’en ai voulu que tu ne viennes pas te confier à moi ! Tu serais venu m’en parler je t’aurais aidé à l’annoncer en douceur aux parents pour que ça se passe mieux ! Après je suis partie aux études et forcément on n’a pas gardé le lien de frangin, on vivait chacun dans notre monde, mais t’as trente ans maintenant, arrête de te comporter comme un enfant ! Je te demande pas la lune, ni un pardon, je te demande juste une heure de ton temps un jour pour que tu puisses venir à la maison rencontrer ma fille ! » Je venais de lui dire tout ça en ossant le ton, mais il commençait sincèrement à me souler avec son air de petite victime, lui il n’a pas eu les parents sur le dos pendant des années parce qu’il fallait faire des études, parce qu’il fallait réussir sa vie et devenir le meilleur noir du quartier. « Je suis désolé si tu as mal vécu cette période, mais en attendant t’as pu faire ta vie comme tu le souhaitais, t’avais pas les parents sur le dos à faire de toi le meilleur petit noir du quartier ! »