Surprise ! The big sis' is back || ft Louis

Je n'avais pas peur de retrouver mon frère, non. En fait je n'avais pas peur du tout, j'étais juste... inquiète. Depuis combien de emps sommes-nous séparés ? Des années. Après avoir décroché mon diplôme j'étais partie, et lui et bien était parti avant moi. Après ça les relations avec ma famille ont été très limitées, j'avais plus vite tendance à dire que c'était Scott ma famille. Je ne savais plus cela faisait combien de temps que j'étais à Vancouver, avec mon travail c'est pas mal dur de voir les jours passés lorsqu'on passe des heures à gueuler et sourire pour faire bonne mine aux clients alors que tu n'as qu'une envie : péter un plomb. Ah oui et aussi entre temps il fallait caser quelques petites dépressions où je mets en boucle Asleep du groupe The Smiths. Mais je m'étais enfin décidée à le voir, cette petite vermine, car déjà c'est mon frère et puis... Je sais pas. C'est Louis. J'ai toujours été plus proche de lui en dépit de notre passé commun chez notre oncle, mais il a toujours été le plus dur à cerner d'entre nous. Même moi j'ai jamais su sur quel pied danser avec lui, je faisais comme je pouvais. J'imagine que ça n'a pas tellement changé depuis le temps.

Ça doit faire... Dix minutes que j'essaye de me motiver à sortir de ma voiture pour frapper à sa porte. Je pèse le pour et le contre pour la énième fois, je chantonne, je regarde un peu partout comme si ça servait à quelque chose. Oui, parfois je me fais vraiment pitié. Soupirant, je croise mon regard dans le rétroviseur et je finis par sortir de ma voiture. Bon. Je n'ose même pas penser aux cernes que je me tape en cet instant même car je dors très peu et car je n'ai pas vraiment fait d'effort pour lui ─comme si il en ferait pour moi, la bonne blague─ et je m'élance finalement, frappant à la porte.

Le pinceau dans la bouche, je comtemplais la toile devant moi. Quelle horreur. Depuis quelques jours, mon travail ne me satisfaisait plus. J'avais la sensation de tourner en rond, de reproduire des choses "déjà vues". Je plissais le nez, mécontent de moi-même. Le pinceau dans ma bouche se retrouva entre mes doigts, à rayer à grand coup de peinture rouge le paysage médiéval que j'avais tenté de reproduire. Agacé, j'essuyais mes mains colorés sur mon torse plus très propre désormais et débarraissais le chevalet de la toile foutue. Tant pis, je retenterai une prochaine fois.

En sortant de l'atelier, je vis une voiture se garer se garer devant mon perron, ce qui avait l'art de me mettre les nerfs en boule. Je ne conduisais pas forcément très souvent, mais je détestais que l'on prenne mes emplacements aussi aisément, sans même s'inquiéter de mon bien-être. Pour une fois, au lieu d'aller faire une scène, je secouais la tête et allais me laver les mains, oubliant comme d'habitude mon torse encore peinturluré.

J'épluchais ensuite un kiwi et le dégustais devant la télé, un documentaire sur les chroniques criminelles de ces cinq dernières années dans la région. Je le regardais sans vraiment réagir, me contentant de mâcher mon kiwi et de l'avaler. Mes yeux divaguèrent vers l'horloge au-dessus de la télé, accrochée au mur et je sus ainsi qu'il me restait quelques heures avant d'aller bosser.

Des coups à la porte me tirent de mes pensées et je fronçais les sourcils, mécontent de nouveau intérieurement. Je détestais tout aussi bien le dérangement et priais pour que ce ne soit pas un démarcheur. Étant donné mes activités, je glissais mon revolver à l'arrière de mon jean et me glissais vers la porte d'entrée, regardant par le judas. Quelle fut mon intérieure surprise que de distinguer les yeux si reconnaissables de ma sœur aînée. Tellement de choses avaient eu lieu depuis que nous nous étions quittés... Allais-je ouvrir à cette famille que je fuyais toujours inconsciemment ?

Ma main actionna d'elle-même le verrou de la porte et je l'entrouvrai pour la regarder.

"Bonjour Elizabeth. Que me vaut ce plaisir ?"

Comme à mon habitude, il ne transparaissait aucune réelle joie, ni même émotion dans ma voix. Je ne savais même pas si je ressentais quelque chose à cet instant.

Bien sûr, je ne m'attendais pas aux grandes retrouvailles avec Louis, je connaissais un minimum mon frère pour savoir qu'il n'était pas une personne qui montrait ses sentiments. Ou quoique ce soit d'autre d'ailleurs. Pas que je le méprisais, mais j'avais juste appris à ne pas trop en attendre de lui, et je crois que de son côté il avait dû faire de même avec moi et notre famille en général. Mais je le comprenais, après tout, moi aussi j'avais coupé les ponts au décès de mon mari et j'avais jugé à cette époque que c'était mieux pour moi. Peut-être que ça l'avait été, peut-être pas. J'en savais rien et dans le fond j'avais pas envie de savoir. Peut-être que certaines questions étaient mieux sans réponses, après tout. Ou en tout cas, je vivais très bien sans.

Pendant un moment, je dois admettre que j'ai eu peur. Peur qu'il ne m'ouvre pas même en sachant que c'est moi. Une partie de moi était trop accrochée à lui sans que je n'ose réellement l'admettre, certainement car une autre partie savait que ça changerait jamais rien à son caractère et que de toute façon j'avais toujours fait avec. Nous sommes des cas chez les Zimmermann. Mais mes doigts arrêtèrent enfin de se crisper lorsqu'il ouvrit la porte, son air indifférent habituel sur le visage. Ouais, ça fait du bien de retourner aux sources. J'arque un sourcil en remarquant que déjà, il entre-ouvre uniquement la porte et en remarquant par la suite une partie de son torse qui semble ne pas avoir échappé à la peinture. Assez naturellement, je croise les bras sur ma poitrine alors que je croise mes jambes, regardant mon petit frère dans le blanc des yeux.

-Une petite visite de santé, je venais presque à m'inquiéter pour mon petit frère... Mais soudainement, quand je me rappelle sa petite tronche... Nan, il s'en tire très bien sans moi, dis-je en lui offrant un sourire narquois dont j'avais le secret, et lui aussi d'ailleurs.. La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre, hein ?

Étais-je ravi ? Pas spécialement. Peut-être que ça m'embêtait juste un peu d'être dérangé, mais rien de plus. Je n'étais pas forcément heureux de revoir un membre de ma famille puisque étrangement, ils ne comptaient que peu pour moi désormais. Je ne leur donnais pas de nouvelles et ils n'en prenaient pas non plus. Je n'avais pas vu Elizabeth depui une éternité et cela ne nous avait jamais contrarié, jusqu'à aujourd'hui. C'était bizarre de la voir là, sur le pas de ma porte et je décidais de ne pas me découvrir en entier, ni de la laisser entrer avant de savoir quel était le but de sa visite.

"Je n'ai besoin de l'aide de personne." Dis-je en réponse à la première partie de son explication. Le reste ne fit que me tirer une grimace de mécontentement. Cela arrivait souvent déjà à l'époque avec elle, quand ses propos ne cherchaient qu'à me hérisser le poil. Elle y arrivait facilement comparée aux autres.

"Toujours aussi affectueuse..." Ironiquement parlant, bien entendu. Je finis par retirer le verrou complètement et ouvrir la porte en grand, pas du tout embêté par le fait que j'avais le torse plein de peintures. Elle devait avoir vu pire comme saloperie, et sur elle-même d'ailleurs. Je la laissais entrer sans un mot et guettais les environs avant de refermer la porte à clé. Vu mes activités, mieux valait assurer mes arrières en toute circonstances.

"Eh bien, ça fait un moment. J'imagine que tu as une petite vie rangée et ennuyeuse pour avoir ressenti le besoin de venir ici ?" On était comme ça entre nous. C'était de l'amour vache... Je prenais ainsi de ses nouvelles sans vraiment y paraître et une personne extérieure pourrait me trouver vraiment horrible avec ma sœur. Mais je savais que sa réponse serait tout aussi écorchante.

Comme on dit, pas de nouvelles bonnes nouvelles. Ça résumait assez bien la philosophie des Zimmermann et on vivait très bien avec ça. J'étais la plus vieille sœur et je ne savais absolument pas si j'étais le bon exemple à suivre si on se base sur le fait que je travaille plus que je ne le devrais et qu'à présent, je suis veuve. Mais pour revenir sur le fait que je ne voyais pas souvent ma famille, je m’en foutais. Très clairement. Je ne leur donnais que rarement de mes nouvelles mais lorsque j’avais envie de les voir, j’y allais et sans me soucier d’envoyer un message avant. C’était exactement ce que j’avais fait aujourd’hui avec Louis, j’imagine que dans une vie, il y a bien des moments où on a besoin de sa famille. J’imagine que c’était à mon tour.

Quelque chose en moi se réchauffe, se sent bien, lorsqu’il me lance ses remarques. Ça pouvait paraitre bizarre, car se manger des remarques ironiques en pleine face c’est jamais bien aimable, mais venant de Louis c’était la meilleure chose qu’on pouvait tirer de lui. Rentrant alors chez lui dès qu’il m’en laisse la permission, je me dirige directement vers son salon, comme si j’avais toujours vécu là-bas et je m’installe dans le canapé, croisant machinalement mes jambes alors que je me cale dedans.

-En fait, c’est plutôt le contraire. Ça fait tellement longtemps que durant ces dernières années j’ai eu le temps de me marier, de voyager, et puis finalement… Devenir veuve. Palpitant, n’est-ce pas ? Et toi alors, quoi de neuf ? A part le fait que tu sembles avoir oublié comment utiliser une douche.

C’était dit vachement, crument, sans aucune délicatesse mais ça devait sortir. Et c’était dit. Pendant un moment, je me décidai à regarder mes mains tandis que je jouais avec elles nerveusement suite à ce que je lui avais dit. Et mon esprit, dans son coin, se perdit parmi les souvenirs trop affluents, trop récents.

Je la regardais s'installer sans en être surpris. Ce ne serait pas elle si elle ne faisait pas ça. Je trouve pourtant étrange qu'elle se pointe maintenant et pas avant. Il devait s'être passé quelque chose pour qu'elle ressente l'envie ou le besoin de me voir. Ou de voir un des autres membres de la famille Zimmermann. Je m'approchais d'elle et m'assieds sur le fauteuil en face d'elle, la scrutant de haut en bas. Alors, enceinte ? Ou un cancer ? Qu'est-ce qui peut justifier sa venue ? Je le lui demande donc, de la manière la plus naturelle qui soit.

Là, elle se mit à me parler de voyage, mariage, de décès... et je me rendis compte que j'avais vraiment manqué beaucoup de choses sans m'en rendre compte. Tout comme Elizabeth ne savait plus rien de moi à présent. Je la regardais quelques instants, me demandant si la façon dont elle tortillait ses doigts comme quand on était jeunes voulait toujours dire la même chose.

"Pour ta gouverne, rappelons que c'est toi qui a trouvé propice de me déranger en pleine activité, d'où ma tenue." Dis-je pour justifier mon état. Et puis, je n'avais tellement pas honte de cela que si elle trouvait à y redire, je m'en moquerais bien.

"Tu parles de mariage et veuvage. J'imagine que tu es ici parce que tu as besoin d'un alibi ? Tu as... je ne sais pas... empoisonné ton mari ou je ne sais quoi ? Gros héritage ? T'as besoin d'une couverture ou autre chose ?" Je ne voyais clairement pas d'autre raison de sa venue, malheureusement. L'amour, non. Le réconfort, pas plus.

Je m’amuse à le regarder dans le blanc des yeux en arquant un sourcil, le visage impartial. J’crois qu’à chaque fois qu’on jouait au duel des regards, c’était toujours quelqu’un d’autre qui devait nous déconcentrer sinon on n’en finirait jamais. On a toujours été trop fiers pour baisser le regard ne serait-ce qu’une seconde. Les années avaient passées, les aventures, les mauvaises histoires s’étaient déroulées et je me retrouvais pourtant avec la même personne que quand j’étais adolescente.

-Je ne reproche rien, je constate juste, mon grand.

Je lève mes mains de manière innocente, faisant une petite moue innocente dont j’avais le secret. L’air de rien, même si tout a changé, certaines habitudes restent familières. On sait qu’avant, on avait pris conscience que ça se faisait régulièrement. C’était drôle comment ma mémoire me jouait des tours, pendant tant de temps j’avais cru avoir oublié ses détails en croyant que c’était mieux pour moi, mais elle m’avait juste dupée. Je me souvenais de tout. Alors qu’il me parle de ce que j’ai dit précédemment, je manque de m’étouffer avec ma salive alors qu’il me suggère le fait que j’ai pu tuer Scott. Je lui fais alors les gros yeux, mes bras s’affaissant dans un geste dramatique. Il n’était pas sérieux ? Non, en fait, je ne veux pas savoir la réponse à la question.

-Dis-le directement si j’ai une tête de serial killer ! Mon mari est mort en toute légalité, je n’ai besoin de rien du tout. Je suis venue en simple visite de courtoisie car j’ai le plaisir de t’annoncer que j’ai emménagé à Vancouver, j’ai arrêté de voyager.

Elizabeth et ses "constatations"... J'avais la sensation de me retrouver dix ans plus tôt, face à la même personne qui "constatait" mes bêtises devant les parents. Elle avait l'art de faire passer ses reproches pour autre chose, celle-là. Cela ne m'avait pas manqué pour un sou.

Je proposais plusieurs raisons à sa venue et toutes semblaient la choquer. Moi pas. Ces raisons étaient suffisantes pour expliquer sa présence chez moi et le fait qu'elle ne m'ait pas prévenu avant. Qu'elle ait tué son marie ou pas, je m'en moquais bien. Je n'étais pas homme à la critiquer ou à la juger. Je pouvais la protéger si elle en avait le besoin, tout au plus. Sinon, pourquoi me dire cela ?

"C'est une surprise" dis-je de ma tête la moins surprise qui soit. "Toi, arrêter de voyager ? C'est encore plus étonnant que d'apprendre que tu n'as pas tué ton mari. Je trouverais ça limite moins... étrange. Mais bon, paix à son âme, comme on dit. Toutes mes condoléances..."

Elizabeth devait savoir que ces mots de courtoisie n'avaient pas grande valeur dans ma bouche. Je pouvais paraître parfois gentil mais au fond, je ne ressentais rien de tel. C'était juste de la... politesse ? Oui, quelque chose comme ça.

"Et pourquoi Vancouver au juste ?"

Il y avait des tas de villes, qu'elle avait visité ou non... pourquoi choisir celle où son frère vivait actuellement ? Qu'espérait-elle ?

Des fois, j'ai vraiment envie de le taper ce gosse. Je lui ai déjà lancé une pantoufle à la tronche, je l'avoue, mais des fois, c'était le marteau qu'il méritait. C'est pour des personnes comme lui que l'euthanasie devrait être égale, moi j'vous le dis ! Non mais je rêve, naturellement il me proposait tout ça, comme si c'était une liste de courses et que je devais faire un choix. La seule personne que je comptais tuer sur ce monde, c'était bien lui et son air à la con là que je vais lui faire bouffer illico presto. Saloperie. Tu vas te voir où je vais te la foutre ta peinture.

A ses derniers mots, j'ai un petit rire ironique alors que je lève les yeux au ciel. les piques allaient vraiment commencer, j'l'avais trop entendue celle-là. «Nous sommes désolés», «C'était un homme bien», «Il t'aimait tant, assure-toi de le rendre fier de là où il est», c'était pitoyable. La vérité, pour les gens comme moi qui croyaient seulement en eux-mêmes, c'est que la mort consiste juste à cesser de vivre et après se faire enterrer et bouffer par des vers qui sont là pour ça, ou redevenir poussière en se faisant incinérer. C'est tout. Y a un avant, mais pas d'après, point barre.

-Tu penses vraiment que je vais croire ce que tu m'as dit ? Le fait que tu penses sincèrement quelque chose est encore plus improbable que le fait d'avoir tué mon mari.

Mon regard froid se plonge dans le sien, tout aussi congelé que le mien et je démarre une bataille de regard naturellement. Je ne savais pas trop si je commençais à m'énerver, mais j'avais bien envie de lui en foutre une. Je croise mes bras sur ma poitrine et je pince mes lèvres entre elles pour éviter de piquer une crise en plein devant lui.

-Oh je sais pas... Bizarrement y a un p'tit con qui habite dans les parages, j'me suis dit que ça pourrait être cool de venir lui foutre un coup de pied au cul.

Elle savait autant que moi que mes mots de condoléances n'étaient pas vraiment pensés. Je me fichais bien de la mort de son mari, que je ne connaissais même pas avant aujourd'hui. La mort ne me faisait rien ressentir, ni peur ni envie. Je n'avais aucune considération pour les défunts, même s'ils avaient techniquement fait partie de ma famille fut un temps. Qu'attendait Elizabeth de moi ? Que je lui offre un toit ? Un foyer ? Parce que je n'allais probablement pas le faire à moins de supplications. Je n'étais pas du genre à faire preuve de charité, surtout pas avec une personne qui avait disparue de ma vie si longtemps. On avait beau avoir vécu le même drame, Elizabeth et moi ne nous ressemblions pas.

J'eus un petit sourire à ses propos. En fin de compte, elle me connaissait encore un petit peu. Preuve qu'il y avait des choses qui n'avaient jamais changées chez moi. Je croisais les bras sur mon torse, lui demandant les raisons de son choix de ville. Elle avait eu le choix, après tout, et notre famille ne se trouvait sûrement pas à Vancouver. Elle aurait eu plus de chance en allant les voir, eux.

"C'est vrai qu'on commençait à manquer de vieilles folles dans le quartier. Comme si tu en étais capable..."

Répliquais-je sur le même ton. Ses menaces n'avaient aucun effet sur ma personne. Elle pouvait toujours courir pour que j'exprime de la peur ou que je la supplie de rester. Ou même de partir, d'ailleurs. Et si elle tentait de, je cite, me foutre un coup de pied au cul, elle allait vite être déçue. Je n'étais plus le garçon maigrelet d'autrefois...

"Donc t'attends de moi que je t'héberge, que je te file du fric,... ? Je te préviens, les intérêts sont plutôt conséquents et je ne vais pas de prix d'amis."