Charmolyn ∞ Si on doit encore se retrouver autour d'une table...

Nerveuse. Stressée. Impatiente. Calme. Hâte que ça se termine vite. Veux que ça dure le plus longtemps possible. Tu es incapable de dire tout ce qui te traverse comme pensées et sentiments en ce moment. Et pour cause.

Ce soir, c'est dîner. Avec ta sœur. Et Hercule. Le tout premier depuis ce fameux jour où Star est allée le dégoter à son garage. Soirée intense, tu t'en souviens comme si c'était hier. Pourtant, il y a deux semaines déjà. Tu ne lui as pas reparlé depuis, te contentant d'ignorer ses appels et messages. Ce n'est pas que tu n'en avais pas envie, tu ne savais juste pas quoi lui dire. Hello bro, ça roule ? Pff. T'avais pas encore assez réfléchi, tu ne t'étais pas encore faite à l'idée qu'il était de retour dans ta vie. Et que maintenant il en ferait partie. Star elle, arrête pas de te prendre la tête depuis ce soir-là. C'est même sur son insistance que tu as accepté d'inviter finalement Hercule pour un dîner. Familial. Et à quelques minutes de son arrivée, tu ne savais toujours pas comment se passera cette soirée. Ni comment tu l'accueilleras d'ailleurs.

Debout dans la cuisine, tu regardes le four avec nervosité. Ryn, tu pourrais arroser une dernière fois cette maudite dinde stp ? Qu'elle cuise vite pour l'amour du ciel, avoir ce feu allumé me donne la migraine. Migraine était un bien faible mot. Depuis l'incendie que tu as vécu petite, tu ne supportes plus la vue de la moindre flamme. C'est pour ça que t'avais demandé à Aylce de venir préparer ce repas avec toi, même si en réalité tu l'as laissé faire tout le boulot, la pauvre. Et elle avait même pas rechigné à le faire. C'est ça une véritable amie.

Tu te glisses dans le salon pour vérifier une dernière fois la table. Elle est parfaite mais tu es nerveuse alors tu t'occupes. Tu te diriges vers ta chambre quand la sonnette retentit. On y est. Une grande inspiration. Tout ira bien. Chérie, emmène toi. Ce soir elle sera ton roc. Parce que seule, t'y arriveras jamais. Tu te diriges vers la porte et tu ouvres. Salut... bienvenue. Entre, je t'en prie. Tu t'effaces pour le laisser entrer. Dans l'appart et sûrement aussi dans vos vies.

Tu vas la tuer. Sérieux. Tu vas prendre sa tête et la mettre dans le four à la place de cette putain de dinde qu'elle a fait faire à sa meilleure amie. Non mais sérieux qu'est ce qui lui prend ? Elle a pas invité le président que tu saches ! Ce n'est que votre frère qui vient bouffer ce soir. Ok, dix-huit ans qu'elle le cherche, qu'elle a eu des déceptions, que ci, que ça mais franchement là, tu as envie de la frapper. - Ouais ça va j'arrive ! tu maugréé en soupirant. Tu ouvres le four et tu arrose la dinde en question. Pauvre bestiole. Tout ce pataquès pour simplement un repas entre frangins, c'est un truc de malade. On se croirait à Thanksgiving. Ca va elle est arrosée ta dinde ! Déstresse un peu !

Puis tu la laisses pour aller prendre une douche. T'aurais préféré voir Cielo ou Spark ce soir mais t'a tellement insisté pour que ta soeur accepte de revoir votre frère que tu pouvais pas leur faire faux bond. Ca fait deux semaines que vous vous êtes retrouvés. Tu t'es plutôt bien liée avec Armolay, vous vous ressemblez sur beaucoup de points tous les deux. Mais ta soeur est tellement ... butée. Tu passe un jean et un simple débardeur avec une petite veste. Tes cheveux libres. Puis voilà parfait. C'est là que la sonnerie retentit et voilà que ta soeur se reprend à stresser. - Mais calme toi enfin Char, c'pas le roi d'Espagne non plus ! tu râles alors qu'elle te presse. Puis comme une gosse tu sautes au cou de ton frère. Hey Bro' ! Tu pinces Char au passage. Arrête de stresser p'tain ! tu lui murmures discrètement avant d'aller dans la cuisine, vérifier cette fichue dinde encore une fois. 

Il est là. Juste là, en face de toi. Tu es tellement nerveuse que tu pourrais te mettre à parler dans un autre langue. Star sait que tu es stressée, mais au lieu de te soutenir, elle te fait la gueule. Pourquoi elle ne comprend jamais ? Ne pourrais t-elle pas être là pour toi une fois, juste une ? Elle se moque ouvertement, elle te pince. T'as envie de pleurer. De fondre. De disparaître. Pourquoi ça devait être aussi dure ? Ce n'était pas compliqué pourtant. Tu as recherché ton frère pendant plus de huit ans. Tu as prié tous les saints pour le retrouver. Et maintenant qu'il est là, tu pourrais juste sauter dans ses bras comme Star et le serrer tout contre toi. Tu pourrais oui. Mais t'y arrives pas. Il y a trop de ressentiments, trop de questions que tu te poses, trop de pourquoi et de comment. Tu es rancunière, tu oublies rarement quand quelqu'un te fait du mal. Tu n'y peux rien, c'est comme ça. Tu pourrais jamais passer à autre chose si tu ne discutais pas avec lui avant. Il y a que comme ça que la colère disparaîtra. Du moins, tu l'espères.

Il te salut et entre timidement. Il est tellement beau. De vous quatre, il a toujours été celui qui ressemblais le plus à maman. Il avait hérité de ses beaux yeux et de son sourire aussi. La dernière fois il faisait sombre, t'étais trop énervée et t'avais trop pleuré pour t'attarder sur ces petits détails. Mais là à la lumière du salon, la ressemblance était si frappante qu'il était impossible de nier votre lien de parenté. Tu soupires. Merci, réponds-tu simplement à son compliment. Tu ne sais pas vraiment quoi dire d'autre. Pourquoi es-tu aussi hésitante avec lui alors que d'habitude t'es quelqu'un pleine d'assurance ? Cette situation devenait pesante. Et ridicule. Assied toi, on va passer à table tout à l'heure. Tu ne sais pas trop quand es-ce que vous êtes censés aborder le sujet important, avant ou après le dîner. Tu réfléchis. Et tu te dis que ça viendra au feeling, tu n'as pas envie de presser les choses. Tu t'assieds en face de lui et essaies tant bien que mal d'engager la conversation. Alors, mécanicien ? Je ne te savais pas cette passion pour les automobiles. Non tu ne savais pas qu'il aimait la mécanique. En fait, tu ne savais rien de lui. Hormis les souvenirs d'enfance que tu as, tu ne savais absolument rien de cet homme qui était en face de toi et qui était censé être ton grand-frère. La situation te paraît si irréelle que soudain, tu sens la colère remonter en toi. Cette même colère qui t'a animé l'autre soir, lors de vos retrouvailles. Mais maintenant tu n'étais plus face à une situation dûe au hasard. Tu avais organisé ce dîner et si tu l'avais fait, c'était dans un but précis. Discuter. T'étais où tout ce temps, dis-moi ? Après l'orphelinat, quand t'es sorti, t'as au moins cherché à nous revoir ? Pourquoi t'as fui comme un lâche ?

Tu ne sais pas du tout pourquoi tu l'agresses soudainement. Tu t'étais promis de ne pas perdre ton sang-froid pourtant. Mais brusquement, tu ne peux plus te retenir, comme si ta langue se déliait contre ta propre volonté. J'ai passé plus de huit ans à te rechercher, Armolay, huit putain d'années ! J'ai remué ciel et Terre pour te retrouver mais impossible. Tout ce qu'on sait de toi s'arrête à quand tu as quitté l'orphelinat. Après ça plus rien. J'ai cru que t'étais mort. Tu sais ce que ça fait de vivre dans l'incertitude ? Moi je mourrais à petit feu alors que celui que je recherchais était là, juste sous mon nez et n'a même pas essayé à reprendre contacte avec sa propre famille ! Tu étais incapable de t'arrêter. Tu sens les larmes te brûler les yeux et tu te lèves rageusement. Tu ne veux pas pleurer, tu ne veux pas que la douleur prenne le pas sur la colère. Ryn essaie de te dire quelque chose mais tu l'arrêtes. Non Ryn, c'est bon. Je ne veux pas que tu me sermonnes encore, j'ai compris, tu es de son côté. Et je ne demande qu'à l'être moi aussi. Alors dis-moi Armolay, dis-moi que je me trompe sur toute la ligne et que t'as cherché à me revoir. Dis-moi que t'as fait tout ce que tu pouvais pour nous retrouver, que tu n'as pas juste fui devant trop de difficultés. Dis-moi que j'ai tort de t'en vouloir. T'es debout et t'attends, redoutant de tout ton être ce qu'il allait te répondre. Tu espérais que l'explication qu'il te fournira ne fera pas que tu le détestes pour de bon. Parce que c'est ton frère. Et tu veux l'aimer.

T'es méchante avec ta soeur, tu le sais. C'est pas contre elle. C'est juste que la voir paniquer comme ça te fais prendre conscience qu'elle n'est pas un roc, qu'elle n'est pas infaillible et sérieux, ça te fait flipper. Dans ta tête, Chardonnay c'est un peu le pilier dans ta vie, celle qui ne bougera jamais malgré toutes les tempêtes, que rien ne peut influencer ou faire plier. Pourtant tu sais rien. Vous vous connaissez presque à peine. Et puis t'as plus confiance non plus. Il te manque ça avec ta soeur. C'est pas sa faute. C'est celle de Celyn qui a tout détruit, qui a bousillé l'image de la grande soeur dans ta tête et toi t'es juste paumée. T'as du mal à associer l'image de Celyn, la pire soeur imaginable, à celle de Chardonnay, la meilleure au contraire. Ca se brouille. Et parfois tes réactions sont exagérées, elles sont dures, agressives, dirigées vers une soeur qui ne t'a jamais pardonné d'être arrivée dans sa famille plutôt que vers cette soeur qui essaye de tout faire pour te sauver. Tu sais que tu as été trop loin en voyant les larmes affluer à ses yeux avant que t'ailles à la cuisine. Tu t'en veux. Tu te jure intérieurement que tu seras moins dure à l'avenir avec elle. Pas toujours contre son avis. Parfois de son côté.

Tu restes un peu dans la cuisine. Tu t'entends bien avec Armolay. Les retrouvailles ont été plus ou moins faciles mais tu sais que pour toi c'est normal, tu ne te souviens pas ou presque pas de lui. De vous avant. T'as encaissé rapidement le choc après les retrouvailles. Probablement parce que tu commences à avoir l'habitude d'être paumée et de rien maîtriser dans ta vie. Ca devient quotidien. Tu vis plus ou moins tranquillement pendant dix-huit ans puis paf ! oh ! une soeur ! oh ! elle avait une jumelle décédée ! oh ! ta mère s'est suicidée ! oh ! ton père est un mafieux ! alors rajouter un oh ! un grand frère censé être mort ou porté disparu ! ça change pas grand chose de plus ou de moins. Ta juste bu un peu plus d'alcool et t'a couché avec un inconnu dans une boîte. Réaction totalement logique venant de ta part ...

Tu t'entends bien avec Armolay. Et tu comprends pas pourquoi c'est aussi difficile avec Chardonnay. Peut-être parce qu'elle cherche trop à tout contrôler et que ça te fait peur. Ou que ça t'agace. Par contre tu comprends pourquoi c'est si difficile pour elle. Elle était tellement plus âgée à l'époque, elle a des souvenirs avec lui, avec les autres, même avec toi dont toi tu ignores tout. Tu n'a que de brefs flash back alors qu'elle, a vécu l'absence de Lay comme un abandon. Et tu l'entends soudain s'énerver, déverser tout ce qu'elle a sur le coeur, les larmes au bords des yeux, la gorge nouée, la respiration saccadée. Tu l'entends tout ça, dans sa voix. Alors tu sors de la cuisine, tu les rejoins. Lay prend tout ça dans la figure et toi t'es au milieu. - Chad ... tu commences, utilisant pour une fois, le surnom qui convient. Mais elle te repousse, te rejette avant que tu ai pu dire quelque chose. Tu peux pas lui en vouloir, c'est de ta faute, c'est toi qui n'arrête pas de la rejeter en premier lieu.

Tu te mords la lèvre. Elle a l'air si fragile, ça te fait trop mal. T'aime pas la voir comme ça. Ca te déstabilise complètement, tu sais plus quoi faire. Merde ! T'es pas l'aînée, t'es censée être la plus jeune, celle qu'on protège, celle qui n'a pas besoin de prendre les décisions laissant les "adultes" le faire pour elle. Mais tu peux pas laisser ta soeur comme ça. - Chad ... tu murmures encore une fois. Tu jettes un regard presque paniqué à Armolay. Tu fais un pas en avant. T'es au milieu d'eux deux. Pourquoi t'es au milieu ? Tu les regarde a tour de rôle. Puis soudain ton choix est fait et tu te dirige vers ta soeur et pour une fois tu te glisses contre elle, passant tes bras autour de sa taille et ta tête sur son épaule. Pour une fois, c'est elle que tu vas soutenir, c'est de son côté que tu vas être. Et tu vas la laisser gérer sans broncher mais en lui offrant ta présence sans faillir. Si tu dois ta loyauté à quelqu'un c'est bien à elle parce qu'elle est la seule, qui t'es jamais lâchée malgré tes conneries, la seule qui t'es jamais abandonnée. La seule qui t'es jamais, inconditionnellement aimée. Alors non, ça ne règle pas tous vos soucis, ton caractère de merde et le sien tout aussi frustrant. Non ça ne règle pas toutes vos disputes, vos conflits, vos différents. Mais pour ce soir vous feraient front ensemble, unies, alliées. Comme des soeurs. A jamais. T'es pas contre Armolay. Il reste ton grand frère. Mais c'est Chad qui est toujours présente à tes côté. Et tu lui dois d'être là pour elle ce soir.