Need to talk (Luna)

J’avais longtemps voulu repousser ce moment mais il me hantait bien trop désormais pour que je continue. Il fallait que je parle à Luna, la jumelle d’Orion. Sans qu’il ne soit présent. J’avais réellement besoin de m’expliquer avec elle, déjà bien avant que je tombe enceinte de son frère. J’étais convaincue qu’elle me détestait et me voyait sans doute comme un démon, mais ça ne coutait rien d’essayer.

Je savais qu’elle vivait avec Orion et qu’il travaillait ce soir là, à son bar habituel. Alors vers vingt et une heure trente, je m’étais rendue chez eux, priant pour qu’elle soit là. Stressée comme jamais, je toquais à la porte. Pendant les quelques secondes d’attente, je regardais mon ventre, caché sous mon pull. Il commençait à s’arrondir… Quelle horreur. Luna ne tarda pas à m’ouvrir. Merde, j’en perdais mes mots… « Bonsoir Luna, je… Je ne suis pas là pour voir Orion, je sais qu’il travaille. Je voulais discuter un peu avec toi. »

Depuis que j'avais appris pour la grossesse de Lydia, l'ambiance n'était pas réellement top à l'appartement. Enfin, j'avais fini par m'y faire, surtout car je n'avais pas d'autres choix et parce que je savais que mon jumeau avait besoin de moi, autant que j'ai besoin de lui pour avancer, mais ça avait lancé une certaine tension toujours un peu palpable, notamment avec Alice. Moi, je me contentais d'être le soutien de l'un ou de l'autre quand je sentais que c'était nécessaire, puis j'essayais de vivre normalement. J'ai rencontré quelqu'un, récemment, mais je sais qu'Orion ne voit pas tout ça d'un bon œil alors je fais comme si de rien n'était... Comme si, ouais. Et comment vous dire que voir Lydia, là, en face de moi, en ouvrant la porte, était une surprise indéniable qui manqua de me faire faire une syncope.

-Hey, je la salue en faisant une pause le temps que je sache comment réagir, pas de problème, rentre.

La laissant entrer, je ferme la porte derrière elle et l'invite jusqu'au salon qu'elle doit très bien connaître, après tout. J'ai presque un rire amer à cette pensée mais je fais mine de rien devant elle, restant plantée au milieu de la pièce, me demandant de quoi elle voudrait me parler. Je suis déjà au courant de tout, non ? Et vu nos relations, c'est vrai qu'elle n'est pas ma personne préférée.

-Je peux te servir à boire ou à manger ?

Je pensais que Luna me ferait un regard sévère avant de me claquer la porte au nez. Ou qu’elle me dirait que non, elle ne souhaitait pas me parler de son côté. Sa réaction fut pourtant différente et elle m’invita à entrer. Je ne me fis pas prier, ayant peur qu’elle change soudainement d’avis. J’aurais voulu lui crier directement que j’étais désolée, que je savais qu’elle me détestait, que je faisais des efforts… Mais cela ne servait à rien d’être aussi directe. De toute façon, quoi que je dise, Luna se méfierait sans doute toujours de moi.

Elle demandait si je voulais à boire ou à manger. Je fais un petit signe de la main. « Non, je ne vais pas t’embêter longtemps. Mais c’est gentil. » Je pris une longue respiration, réfléchissant par quoi commencer. J’aurais sans doute dû y réfléchir un peu avant… « Je voulais juste que tu saches que rien de tout ça n’était voulu ou calculé… Contrairement à comment je pouvais agir avant. Je sais que tu ne m’aimes pas beaucoup… J’essaye vraiment de faire des efforts. » Je me stoppais là pour le moment, histoire de voir si elle prendrait positivement la chose, ou si au contraire, tout ça ne sonnait que comme du baratin pour elle.

Je crois que Lydia a déjà assez avec Alice contre elle, et que je n'ai pas besoin d'en rajouter. Autant je ne l'aime pas, je ne suis pas pour le fait de toujours lui rappeler et l'accuser d'un peu tout et rien. Certes, c'est un peu de sa faute si elle est enceinte ─mais c'est aussi la faute de mon frère. Faut être deux pour être un enfant, après tout, et je suis contre l'idée de tout reprocher à une seule personne.

-Tu as changé ? Prouves-le. Ne fuis pas tes responsabilités, si mon frère sait être là pour toi, tu lui dois la même chose. Tu l'as déjà fait souffrir assez, et si tu recommences, ça sera différent car je ne suis plus à l'hôpital. Chacun assume ce qu'il fait de mal. Même moi si je venais à faire quelque chose de déplacé envers toi, j'assumerai, je déclare, peut-être un peu trop froidement.

Je la regarde dans les yeux, croisant mes bras sur ma poitrine. Je n'ai pas envie de blaguer, je pense sincèrement ce que je dis, et je préfère directement mettre les choses aux claires. Je profitais de l'absence d'Orion pour ne pas prendre de gants ou être freinée par le fait qu'il la protège, quoiqu'il dise, je le sens. C'est le plus gros inconvénient d'avoir un jumeau ou une jumelle, on est incapables de se mentir, quelque chose se réveille en nous, quelque chose d'inexplicable mais qu'on sent.

-Maintenant, dis-moi la vérité... Tu ressens quoi à propos d'Orion ?

Je voulais le savoir, je voulais savoir si elle allait oser me dire la vérité. Si je pouvais moi-même lui faire confiance à propos de cet enfant, mais je n'étais pas au bout de mes peines.

Prouver que j’avais changé ? Le fait que je sois ici à lui avouer tout ça n’était donc pas suffisant ? Ca n’était rien, elle s’en rendrait compte un jour ou l’autre après tout. Le lycée était loin à présent et mon attitude de garce également. La grossesse m’avait également beaucoup calmée.

« J’assume tout le mal que j’ai fait. Et je m’en suis excusée aussi. Orion te le dira. Et je serais là pour lui. » Je baissais finalement le regard, me sentant toujours coupable d’un trop grand nombre de choses. Et voila qu’elle me posait une question à laquelle je ne m’attendais pas.

Je n’y avais pas réfléchi. Je ne savais même pas quoi lui répondre… Ca n’était pas le moment de mentir, pas après ce que l’on venait de se dire. Mais la question était vraiment personnelle… Et avec la grossesse, mes émotions étaient comme décuplées. Quand j’étais revenue et que j’avais croisé Orion… Disons que mon côté joueur avait repris le dessus et je m’étais comme mise en tête de le séduire à nouveau. Puis finalement tout avait basculé ce jour là. Je m’étais montrée vulnérable, et Orion m’avait vue telle que j’étais, sans artifice, dénuée de toute envie de lui mentir ou de le manipuler. Et depuis… J’étais comme perdue dans mes sentiments.

« C’est compliqué… Orion c’est… Ca a été mon seul grand amour à vrai dire. » Je ne voulais pas penser à ce que je ressentais en ce moment. Parce que c’était compliqué, qu’il ne ressentait sans doute pas la même chose, et qu’Alice était toujours dans les parages. « Mais j’ai l’impression que plus rien ne sera possible entre nous alors… Autant ne pas penser à ce que je ressens. »