Who let the... Luna out ? (ft. Orion)

Ça y est,  c'était enfin le grand jour. Mon dernier jour à l'hôpital, la fin d'une vie pour en débuter  une nouvelle plus productive, plus dangereuse, plus excitante et joyeuse. Levée depuis 6h du matin, j'avais au moins fait dix fois le tour des réseaux sociaux, écrit un nouvel article sur mon blog, vérifié mes sacs, j'avais même eu le plaisir de rester hyper longtemps dans la douche, mais malgré ça le temps ne semblait pas passer. J'attendais impatiemment la venue d'Orion autant qu'un enfant pouvait attendre de découvrir ses cadeaux de Noël. J'étais là, je n'arrêtais pas de bouger dans ma chambre, déjà prête pour partir. Je vérifie mon téléphone chaque minute, je tente de m'occuper en jouant à quelques jeux à la con, du style "Candy Crush", mais version La reine des Neiges. Bref, c'est seulement quand je vis un SMS venant de mon jumeau m'annonçant qu'il était en route que je me permis de pousser un petit cri de joie alors que d'un bond, je passais de mon lit au sol.

Les minutes semblaient durer des heures, j'ignorais que la liberté pouvait donner cet effet. Soudainement je comprenais ce que chaque personne attendait impatiemment, ce pourquoi des gens se sont battus. Pendant un bref instant je me suis sentie l'âme d'une héroïne, sauf que je n'étais pas une très grande guerrière, tout ce que j'avais fait pendant des années, c'était me laissée porter par la vie. Une fois que je vois mon frère arrivé, je lui fais un grand sourire en me mettant à sauter sur place.

-On peut enfin y aller ?!

Pour moi, sortir de cet hôpital, c'était la plus grande aventure de ma vie, tel Bilbot quand il part rejoindre Gandalf et les nains. Bref, actuellement, je suis une Hobbit joufflue. Voilà. En plus j'ai la taille pour ! Et je crois sincèrement que c'est le fait d'enfin sortir qui me fait délirer autant, y a pas moyen. Les infirmières et derniers médecins m'examinant ne m'ont jamais vue aussi bavarde, enfin, surtout entendue pour le coup. Je ne fais que parler, parler et parler, et je crois que ça les soûle. Compréhensible, car je me soûle moi-même, mais c'est plus fort que moi. C'est donc naturellement que quand Orion débarque, je me jette presque sur lui en l'agressant pour savoir si on peut partir, mais je me fais recalée en beauté. Le pire ? Bha c'est qu'il a raison. Je déteste quand il a raison.

Une moue sur le visage, je bouge les deux sacs pleins à craquer d'en dessous du lit, croisant les bras sur ma poitrine en râlant. Je finis quand même par lui faire un sourire innocent, l'air de dire qu'au moins tout était rentré, et on finit par rouvrir les sacs qui éjectent directement certaines affaires. Bon.

-J'ai mis trois heures avant d'y arriver, okay ? Je suis pas encore Mary Poppins ! je me sens obligée de me défendre.

Je finis par ramasser ce qui a fini au sol ─de toute façon ça ne tombera pas plus bas─ et mets tout ça dans le nouveau sac qu'Orion m'a apportée, apparemment très prévoyant sur ce qui allait se passer, comme quoi même séparés des jumeaux en savent tout autant que si ils avaient toujours vécu ensemble.

J'étais prête pour ce jour depuis des années. Je n'avais pas peur de sortir de cette chambre, de cet hôpital, mais pourtant j'avais cette boule au ventre, comme si une fois dehors, j'allais brutalement arrêter de recevoir de l'oxygène dans mes poumons et que j'allais mourir là, sans avoir pu profiter de ma liberté. Mais je savais que ça n'allait pas se produire, c'était impossible. Alors quand on a eu fini de faire le tour de ma chambre, de signer les papiers, de dire au revoir, et qu'il m'a posée la question fatidique, je ne lui ai pas dit que j'avais l'impression que mes poumons allaient s'écraser, que mon cœur allait me lâcher, je lui ai répondu en prenant une grande respiration et en lui disant la réponse la plus sûre que je pouvais lui donner.

-Je suis née prête.

Alors que je broyais presque la main de mon frère dans la mienne, j'ai mis mon premier pied hors de l'hôpital depuis des années. Je sentais l'air frais comme jamais rentré dans mes poumons, le soleil réchauffait ma peau, la couleur du ciel s'accordait à mes yeux et le soleil les faisait briller. J'étais tellement bien, en ce moment même, à savourer dehors, la liberté qui m'était accordée, comme si toutes les chaînes dont j'étais prisonnière me laissaient enfin, même si je savais que ce n'était certainement pas pour toujours. Mais pour la première fois en vingt-trois ans, je savais que les choses comptaient vraiment changer. J'ai fini par regarder Orion, un gran sourire sur les lèvres, plus heureuse que jamais.

-On peut y aller.

Le fait d'enfin pouvoir vivre en dehors de ces murs était certainement la chose la plus excitante que je n'ai jamais connu ─non parce que sinon, dans me top  des moments les plus excitants que j'ai connu, en deuxième position on a quand même la fois où j'ai mangé pizza à l'hôpital alors que ça faisait des années que je n'en n'avais plus touché─. Même prendre le bus paraissait dix fois plus intéressant que regarder une série télé à la con sur petit écran.

Regardant par la fenêtre tout le long du trajet, je n'arrive pas à décrocher mes yeux du paysage, bien qu'urbain mais ayant tout son charme pour moi, qui défile. Les minutes passent et je reviens à la réalité quand Orion me dit qu'on est bientôt arrivé, et je saute presque sur mes jambes, prête à descendre et savoir à quoi va ressembler mon chez moi. Puis c'est une fois devant la porte et quand mon frère fait une révérence totalement ironique et ratée en plus que je réalise à quel point j'ai touché le but, à quel point des années d'enfermement sont loin derrière moi. Je lève les yeux au ciel avant de lui offrir un sourire en coin, et j'ouvre enfin cette fichue porte, puis je fais un premier pas dans l'appartement, ensuite un second, et ainsi de suite jusqu'au salon où mon réflexe instantané est de m'écraser dans le fauteuil.

-Je crois que mes fesses n'ont jamais eu droit à une place aussi confortable de toutes leur vie.

Il n'y avait aucun mot pour dire à quel point, en ce moment même, j'étais en paix avec moi-même. Je commençais enfin à me trouver une place, une vraie place, quelque part avec la meilleure personne que je connaisse. En rentrant dans l'appartement j'avais l'impression de voir le plus bel endroit au monde et je n'avais pas attendu un instant pour m'affaler dans le canapé du salon avant qu'Orion ne me dise que le meilleur est à venir : ma chambre. Rassemblant toutes mes forces, je me lève et me dirige vers l'endroit qu'il m'a indiqué. J'ouvre la porte et même si la pièce n'est pas encore décorée, j'en suis déjà contente. Tout ça rien que pour moi ! Je plonge dans mon lit et laisse s'échapper un soupir de satisfaction d'entre mes lèvres.

-Je crois que je vais passer la plus belle nuit de ma vie, je réponds avec un sourire.

Avec un signe du doigt je dis à Orion de me rejoindre, trop bien mise pour me bouger à présent, le déballage des sacs pourra attendre après tout. Je lui fais une place dans mon nouveau lit et une fois qu'il est là, je lui fais un câlin.

-Je t'aime fort tu sais.

Calée dans ses bras, je commence doucement à m'endormir, peut-être un peu bouleversée par tant de changements et mon organisme n'étant pas encore habitué à autant de mouvement, il risque d'avoir du mal à agir comme un autre. Mais cette fois, je sais que demain je verrai un meilleur endroit qu'un mur d'hôpital en réveillant. Cette fois, quand j'ouvrirai les yeux, j'aurai le sourire car ça sera le début d'une chanson.