Elijah & Jazz

La vérité c’est que ce soir, je tourne en rond dans ma grande maison. C’est bien beau de pouvoir s’offrir à peu près ce que l’on veut sur le dos de son ex-femme mais ça n’enlèvera jamais cette sensation de solitude et de tristesse intense. Je m’allonge sur le canapé et regarde le plafond pendant de longues minutes. J’ai déjà essayé de cuisiner, de faire le ménage, d’écouter la musique, de me mettre un DVD… Rien à faire, je tourne en rond encore et encore. Du coup, je finis par me mettre en colère tout seul. Ce fichu coup de fil n’arrive pas…

Ce n’est qu’une demi-heure plus tard que mon téléphone vibre enfin. Autant dire que je me précipite dessus alors que je vois le nom de mon avocate s’afficher. « Alors, vous avez vu le juge ? » Je lui demande sans même lui laisser le temps de dire bonjour. Je suis angoissé comme jamais car j’attends ce qui me semble être la plus grande nouvelle de ma vie. Qu’elle parle, je n’en peux plus d’attendre ! « Monsieur Lockwart… J’ai une mauvaise nouvelle… Etant donné la distance, Jiya a obtenu la garde exclusive de Simon… » Elle marque un instant de silence et je ressens le besoin de m’asseoir, tout mon monde s’écroulant autour de moi. Elle ajoute « Vous pourrez le voir pendant les vacances. Il pourrait venir chez vous. » Mais je ne l’écoute plus, le téléphone n’étant déjà plus à mon oreille. « Monsieur Lockwart ? » Un an qu’elle est mon avocate, un an qu’elle me défend bête et ongles contre mon ex-femme et aujourd’hui, j’apprends que je ne verrais plus mon fils que quelques semaines par an. « Monsieur Lockwart ? » Je coupe mon portable, n’ayant pas la force de répondre.

Je dois rester environ une bonne heure ensuite, sur ma chaise, à regarder dans le vide. Des larmes coulent sur mes joues que je ne prends pas la peine de stopper. Puis, lorsque je sens que j’ai assez de courage, je me lève, j’enfile ma veste et je sors de chez moi en direction d’une des demeures voisines. Je toque à la porte, le regarde livide, espérant que mon meilleur ami ne mettra pas trop de temps à ouvrir. Lorsque son visage apparait enfin dans l’entrebâillement. « Elle m’a pris mon fils… Jiya m’a pris mon fils… » Je lui dis tout de suite, sans perdre la moindre seconde, effondré. « Le jugement a été prononcé. Elle a obtenu la garde exclusive ! Il ne pourra venir que pendant les vacances… » Il est au courant de ce que j’ai enduré ces dernières années, du fait qu’elle m’a quitté pour un homme plus jeune et la souffrance que cela a enduré chez moi. Ce coup de massue supplémentaire, j’ai l’impression que c’est celui que je n’arriverais pas à me remettre.

Aujourd'hui, allez savoir pourquoi, j'ai envie de cuisiner. J'en ai assez de manger toujours la même chose alors j'ai décidé de tenter une sauce au vin blanc. Je ne suis pas un grand cuisinier, mais j'ai envie de m'y mettre, pour moi mais aussi pour les autres, quand je reçois par exemple. Quand j'entends frapper chez moi, je baisse le feu et me dirige vers la porte de mon appartement pour l'ouvrir. Je laisse la chaînette accrochée mais je vois qui se trouve derrière. Il s'agit de Jazz, mon meilleur ami, qui semble plus qu'abattu. Il n'attend d'ailleurs pas que je referme pour enlever la chaînette, et il m'annonce la nouvelle qu'il redoutait tant : son fils a été confié à temps complet à son ex-femme.

Eh merde... dis-je en ouvrant finalement la porte en grand et en faisant signe à mon ami de rentrer. A mesure où il me passe devant, je lui tape sur l'épaule et referme derrière lui. Sans lui demander son avis, je me dirige vers la cuisine ouverte sur le salon et l'entrée, et je coupe le feu avant d'attraper deux bières au frigo. J'en tends une à Jazz avant d'aller m'asseoir sur le canapé avec lui.

Tu viens de l'apprendre ?