you almost had me fooled - hazelia

« Tu sais que si je t'invite à venir ici, c'est que ça ne me dérange pas que tu viennes ? Et puis, je n'ai pas deux bras de camionneur pour rien, je peux t'aider à ramener tes affaires ici. » Je roulais des yeux un instant, esquissant un sourire en observant ses longs bras fins puis son bras droit se plier. « Arrête de raconter des conneries. » Dis-je finalement en laissant échapper quelques gloussements, caressant son bras du bout des doigts. « En tout cas je meurs de faim ! » M’exclamais-je en faisant glisser mon assiette dans ma direction, lançant malgré moi quelques œillades vers mon téléphone qui ne cessait de vibrer. J’avalais quelques bouchées sans même en apprécier le goût, tant j’étais préoccupée par les messages de Nick. Oserait-il mettre sa menace à exécution ?
Je retournais brusquement mon téléphone et désactivais aussitôt internet par réflexe, Nick m’ayant déjà localisée. Courage d’ici an et demi, cette mascarade sera terminé et je serai débarrassée de ce connard arrogant !

« C’est marrant tu sais parce que je n’ai jamais voulu être mère, enfin pas particulièrement mais en fait, j’ai toujours pensé que si je tombais enceinte un jour, ce serait de toi. Enfin, avec toi. Tu vois ce que je veux dire ? » Dis-je avec plus de légèreté qu’il n’en faut, piochant, picorant, jouant avec ma nourriture, l’air pensive. « Enfin bref, de toute façon, si je pouvais changer le passé, il y a un tas de trucs que j’aurais fait différemment. Déjà je n’aurais jamais bousillé mes cheveux avec cette couleur rose affreuse ! » Ajoutais-je en levant les yeux, éclatant de rire dans la foulée.

« Je te rappelle le nombre de fois où tu m'as ris au nez quand on parlait de bébé ?! (...) T'es sérieuse Harley ? Avant de faire ces trucs que tu regrettes, fallait y réfléchir ! » Je n’eus pas le temps de m’enquérir de sa santé, du fait qu’elle ait visiblement dégluti de travers, qu’un flot de paroles se déversait de ses lèvres. « Eh, t’aurais pu attendre que je finisse de manger avant de lancer mes hostilités ! » Dis-je alors qu’elle se levait telle une furie pour rejoindre le duplex, sous mon regard ahuri. « Pourquoi es-tu réellement venue, Jessica Harley Stevenson ? Par nostalgie, par honte, ou par méchanceté ? » Pour ton frère, hésitais-je à répondre. Mais cela n’était pas vrai. S’il ne s’agissait pas d’Ezelia, je n’aurais pas levé le petit doigt pour Ezekiel. A contrecœur ; parce que je n’avais pas envie de rentrer dans le conflit et surtout, parce que j’avais faim, je me levais à mon tour pour rejoindre la jeune femme dans le duplex.

« Je suis désolé, je ne pensais pas à mal... » Je ne voulais pas voir, je ne voulais pas comprendre. Ça me semblait absurde, après tout ce temps. Comment ? Comment pouvait-elle m’aimer, me désirer après tout ce temps, surtout avec un corps si déformé ? « Eh, eh, qu’est ce qui se passe ? » Demandais-je affolée lorsque je compris qu’elle s’agrippait à un tabouret, comme prise de vertiges.

« (...) Mais je t'en veux quand même. J'aurais bien aimé que tu me dises ça quand on était ensemble, et pas maintenant que tu es non seulement inaccessible, mais visiblement amoureuse d'un autre. » Plongeant son regard dans le mien, je restais ainsi, les yeux rivés dans les siens, interdite. « Qu’est ce que ça aurait changé, honnêtement ? Ce n’est pas pour cette raison que nous nous sommes séparées, tu le sais bien. » Dis-je dans un soupir, agacée qu’elle puisse m’en vouloir pour une raison aussi grotesque. Comme si les raisons de notre rupture trouvaient racine dans mon désir ou non d’enfanter ! Ezelia aurait trouvé n’importe quel prétexte pour évoquer le sujet et je ne tentais aucunement de me soustraire à la conversation, réalisant qu’elle avait probablement besoin de régler ses comptes. Je lui devais au moins ça. « Ezelia, je ne suis pas venue pour qu’on se remette ensemble... j’aimerais te dire que je ne ressens plus rien pour toi mais ce n’est pas le cas. » Par contre, décrire précisément mes sentiments relevait de l’impossible ; n’était-ce que de la nostalgie ou n’avais-je réellement jamais cessé de l’aimer un jour ?

Je sursautais lorsque trois coups pétaradants vinrent résonner dans le duplex, à travers la porte d’entrée. « Déjà ? » M’exclamais-je, essayant de calculer les heures de vol entre Sydney et Dunedin. « Je suis désolé... j’ai pas le temps de t’expliquer... c’est compliqué... » Ajoutais-je soudainement affolée. Nick n’allait pas s’en prendre à Ezelia, mais il était vraisemblablement en colère, ce qui ne présageait rien de bon lorsque je l’accompagnerai à l’hôtel.

« Salut Nick. Tu m'excuses deux minutes, j'ai une conversation à finir. Et oui, elle est là, avant que tu ne te décides à violer ma propriété privée. » Elle avait déclenché les hostilités avant même qu'il ne daigne prononcer un mot. Nick allait être vert de rage. « Tu as une autre vie maintenant. Sans moi, j'ai compris. lors s'il te plaît, ne reviens pas (...) je crois qu'il vaut mieux qu'on ne se revoit plus. Outre que je n'ai pas envie de me faire trucider par ton fiancé, je crois que c'est mieux pour ma santé mentale. » « Nick n'est pas un monstre. » Répondis-je simplement pour éviter le coeur du sujet. Lui trouvais-je subitement des excuses parce qu'Ezelia venait de me fermer la porte au nez ? Avais-je si peur de la solitude ? Et bordel ce que je me sentais honteuse et ridicule ! Ezelia était parvenue à me faire douter de mes propres désirs, jusqu'à ce que j'avoue à demi-mots ressentir quelque chose pour elle, avant de me jeter dehors. N'était-ce qu'un jeu à ses yeux ? Au nom de quoi ?

J'ai pris ma décision en une seconde. Rassemblant mes affaires, je me suis dirigée vers la porte, m'octroyant le droit de l'ouvrir sans en demander la permission. Il s'est avancé dans la pénombre en me décrochant ce sourire crispé que je détestais tant. J'ai cru un instant qu'il allait m'attraper. Je me suis reculée par réflexe. « Nick... » Dis-je en guise de salutations alors qu'il s'avançait à grandes enjambées vers moi, le regard rivé sur mon ventre. « Bonjour Ezelia. Désolé de débarquer sans prévenir. Harley ne t'a rien dit ? J'ai pris un vol de Sydney pour la rejoindre. Elle ne devrait pas voyager en avion dans son état. » Il était extrêmement poli, quoi qu'un peu crispé. Nick n'aimait pas laver son linge sale en public et il tenait particulièrement à sauver les apparences. « Ouais, exactement, j'ai oublié de lui dire. » Répondis-je en étirant un sourire sur mes lèvres, roulant toutefois des yeux. Tu me fais passer pour une grosse conne avec ton histoire de merde mais bon. « Bref, de toute façon, je m'en allais. » Un instant, je me suis prise au jeu. J'ai vraiment cru qu'il s'inquiétait pour moi, uniquement s'entend. Mais j'ai senti qu'il était en colère et j'ai tressailli lorsque l'une de ses mains s’est posée sur mon bras. Nick, tu me fais mal ! Je sais, me répondirent ses yeux.

Un instant, j’ai cru qu’il allait la gifler. Ça aurait été tellement plus simple, elle aurait vu à quel point Nick était un salopard. Au lieu de cela, je demeurais muette, presque interdite tandis que mes yeux la suppliaient de comprendre « ne le vois-tu pas ? ». « Ok. Mais on va tous se calmer, d’accord ? » Nick n’avait peur que d’une chose, c’était de lui-même. Aussi, je sentis à la façon dont il respirait qu’il tentait fermement, avec beaucoup de vaillance - je devais le reconnaître, de contenir sa colère. Cependant, je ne savais que trop bien de Nick qu’il n’était qu’une bombe à retardement. S’il savait aujourd’hui maîtriser son impulsivité, elle finissait toujours par s’exprimer. La question c’était, quand, comment et sur qui.

« Mais je suis calme, bordel. » M’entendis-je piailler à la manière d’une gamine insupportable et impatiente. Je profitais de cette occasion pour dégager mon bras endolori. « On peut y aller maintenant ?! » J’avais besoin d’air. Je ne voulais pas nécessairement partir avec Nick, en fait, c’était même tout le contraire mais je ressentais le besoin de prendre du large. J’ignorais comment réagir face aux sentiments d’Ezelia parce que je m’interdisais de ressentir quoi que ce soit. J’avais trop souffert et j’étais aujourd’hui empêtrée dans un bordel sans nom. Elle méritait mieux que ça.