you almost had me fooled - hazelia

« Je pourrais t'héberger tu sais. Ça t'éviterait de payer des frais d'hôtellerie. Et il y a un vendeur de fruits et légumes juste en face. » Je tournais aussitôt la tête dans sa direction, plissant les yeux à cause des rayons du soleil. « Okay. » Répondis-je sans plus attendre, dressant un sourire amusé sur mes lèvres. Je ne fus aucunement gênée par sa proposition, ni même par sa main qui se posait sur la mienne, comme si nous n'étions que deux vieilles amies. Après tout, n'était-ce pas le cas finalement ? « Par contre, j'espère que tu connais un bon coiffeur. Parce qu'avec l'air de la mer et mes cheveux, ça fait deux. » Ajoutais-je en détachant ma main de la sienne, démêlant quelques mèches  de cheveux en laissant retomber de nombreux grains de sable que le vent avait déposé. « Bon c'est pas tout mais je meurs de faim. Et j'ai envie de faire pipi, surtout. » M'exclamais-je en me relevant avec peine, m'imaginant entrain de dévaliser le premier fast-food du coin. Pas de culpabilité. Après tout, c'était pour le bébé, n'est-ce pas ?

« (...) Pour le resto par contre, je connais un super coin... là-bas. » Parce que je suis censée deviner le nom de l'enseigne à travers les arbres, peut-être ? « Tant que tu ne m'emmènes pas dans une allée sombre ! » Dis-je en pouffant, rassemblant mes affaires dans la foulée. « Je t'invite. Et ils ont de super toilettes, tu verras. » Des super-toilettes. Ça pour un argument ! Pourtant, le sourire qui s'était tout à l'heure accroché à mes lèvres continuait de fendre mon visage. « Allons-y ! » Pour allier la parole au geste et parce qu'elle me tendait si gentiment le bras, j'acceptais en retirant rapidement la casquette de ma tête pour la jucher sur la sienne. « T'es plus craquante avec que moi ! »

« Eze ! » Nous fûmes coupées dans notre élan par une petite voix joyeuse. Je levais un sourcil, interrogateur, avant de détourner la tête, par réflexe. Ne te gêne pas pour moi, hein. M’apprêtant à me présenter, ce fut avec une indignation certaine que je laissais échapper un soupir lorsque je compris qu’elle n’escomptait aucunement se présenter. Ce qui voulait dire, en langage de fille, que j’étais invisible. Pas assez jolie pour constituer une menace. Et même pas assez célèbre pour qu’elle ne daigne s’intéresser à moi. « Toujours libre pour venir boire un verre demain soir chez moi ? » « Oui, bien sûr. » Oui, bien sûr, m’entendis-je répéter, moqueuse. S’il y a bien une chose que je détestais, c’etait de ne pas être le centre de l’attention. Était-ce si mal de vouloir que son interlocutrice n’accorde d’intérêt qu’à ma petite personne ? Ou était-ce le fait qu’elle s’interesse à elle qui me gênait véritablement ?

Elle me dévisagea un instant, moi et mon gros ventre avant de prendre cet espèce d’air attendri, insupportable. « Toujours aussi gentlewoman. » Et elle planta un second baiser sur les lèvres d’Ezelia, m’arrachant une grimace à peine contenue. Prenez-vous une chambre, au pire ! Ce fut au moment où elle détournait les talons que je me détachais du bras d’Ezelia. « Je suis une putain de bonne action pour toi ou quoi ? C’est parce que je suis enceinte ? » Et elle est moche en plus. Il n’y a que moi que ça choque ? Et puis, putain, qu’est ce qu’Ezelia lui trouve ? « Et, c’est qui cette greluche ? C’est ta copine ? Elle sait qui je suis au moins ou elle n’a pas le câble sur son île ? » Croisant les bras, je faisais soudainement face à mon ex, prenant cet air outré de gamine insupportable, la jalousie me crevant les yeux. C’est pas de la jalousie. C’est pour elle que je dis ça. C’est une conne putain, pourquoi tu ne le vois pas ?

Et elle soupira, tout simplement. Il fallait me rendre à l’évidence : je ne suscitais en elle nul autre sentiment qu’une lassitude à peine contenue, celle-là même qui se lisait jusque dans ses yeux.

« (...) Je pense qu'elle est plus qu'au courant de qui tu es, et surtout de notre relation, aussi prétendue qu'elle soit, pour eux. Tu crois quoi, qu'elle s'amuserait à m'embrasser en plein milieu de la rue juste pour le fun ? (...) Après tout, puisque ta putain de renommée est plus importante que mon bien-être, tu n'oseras rien faire en plein jour, et elle le sait très bien. » Croisant et décroisant les bras à chaque fin de phrase, jonglant maladroitement entre mes deux pieds pour trouver un équilibre plus qu’incertain, je me déchaussais subitement en poussant un long râle de soulagement. « Si elle prête attention aux commérages... » Dis-je en roulant des yeux, tentant vraisemblablement d’éviter le cœur du sujet en m’accrochant à des détails, comme à mon habitude. « Donc après un bébé en route et des fiançailles qui ne sont un secret pour personne, ta greluche veut quand même marquer son territoire ?! » Si elle avait effectivement accès au câble, je trouvais cela grotesque, en plus d’être insultant. Pour qui me prenait-elle ? « Et je ne vois pas le rapport avec ton bien-être et le fait que je n’oserais rien faire au grand jour. Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire bordel ? » Encore cette histoire ? A quoi s’attendait-elle ? A ce que je m’interpose ? « Écoute-moi, parce que je ne le dirais pas deux fois. » Je me raclais la gorge, fronçant les sourcils en rassemblant mes idées. « Je suis désolé. Sincèrement. Pour tout ce que je t’ai fait. » C’était sincère, à défaut d’être exhaustif. Parler librement de mes sentiments avait toujours été difficile : parce que j’associais mon amour pour la gente féminine à quelque chose de contre nature, j’avais fini par développer une gêne à l’encontre de mes propres sentiments. Et puis tout s’était mélangé dans ma tête, même lorsqu’il ne s’agissait pas d’amour à proprement parler. « Je n’étais pas prête. Je t’ai mise au placard pendant trop longtemps et j’en suis vraiment désolé. » Mon regard avait accroché le sien si violemment  qu’il me semblait impossible de m’en défaire. « Et je crois que l’épisode Madrid... » Bordel. Comment ma gorge peut-elle se nouer après tout ce temps ? « J’ai eu l’impression... je me suis retrouvée seule, d’accord ? Et si Jonah ne t’avait pas... tu n’aurais jamais su... parce que tu n’as jamais essayé de me chercher. J’aurais pu finir mes jours en HP ! Je voulais te faire souffrir. Okay ? Je l’avoue. Au fond de moi, je voulais te montrer ce que ça fait que de se sentir reléguée au rang de souvenir ! » En vérité, il n’y avait pas une mais de multiples raisons à notre rupture et elles changeaient régulièrement au gré de mes humeurs, selon que je regrettais Ezelia ou que je laissais ma rancoeur me consumer. « Bon ça me gonfle. On est pas dans un reality-show et je n’ai pas à me justifier putain ! » Et les monologues, ça épuise. « Et j’en ai rien à foutre de ta pouffiasse. Si elle a quelque chose à prouver à quelqu’un, c’est envers elle-même. Elle a un sérieux problème de confiance en elle mais ce n’est pas de sa faute. Même en étant une grosse vache, je suis cent fois plus belle qu’elle ne le sera jamais. »

« Jonah m'avait dit que tu ne voulais pas me voir. Que tu voulais que je te laisse tranquille. Je ne l'ai qu'à moitié cru, mais que voulais-tu que je fasse ? » Ciel ! Quel était ce besoin irrépressible d’agir au nom des autres ? « Et tu l’as cru ?! » Répétais-je incrédule, mes deux grands yeux bleus se muant en marées sombres.  Au bord de l’hystérie, ce fut tout naturellement que j’ajoutais. « Non mais t’es sérieuse là ? C’est l’excuse la plus minable que tu m’aies jamais pondue ! « A moitié cru »... » N’empêche, elle n’en avait pas perdu le sommeil ! C’était une réaction plutôt inattendue venant d’une femme qui n’avait pas hésité une seule seconde pour me demander ma main. « Bref, on ne va pas refaire l’histoire. » T’aurais pu envoyer Jonah dans les roses et me retrouver, ne serait-ce que pour t’assurer que ce qu’il disait était vrai ; que je ne voulais pas de toi.

« Je n'aurais pas dû te rejoindre, accepter de te revoir. (...) Je ne peux pas te revoir sans... Je ne peux pas. » Je n’étais pas prête à rendre les armes, je voulais foncer tête baissée dans la bataille comme un soldat suicidaire en manque d’adrénaline. « Sans quoi ? Sans ressentir le besoin de m’arracher la tête ? Ça a toujours été comme ça entre nous, pas vrai ? » Répondis-je finalement en baissant d’un ton, provocatrice, un brin nostalgique. « Je ne suis pas venue te ramener à Vancouver, même si ton affreux jumeau ne rêve que de ça. Je ne suis pas aussi naïve que lui. Je ne courre pas après les chimères. Jamais. » Je dois arrêter de courir après le fantasme d’une vie heureuse auprès de toi... « Je voulais juste savoir comment tu allais. Et parce que tu me manques aussi putain. » Dis-je en baissant les yeux.