La panique, la crainte, le doute et l’incompréhension. Tout cela envahissait l’esprit de Siena alors qu’elle venait de se réveiller 3 jours auparavant dans cette chambre d’hôpital, à Vancouver. Les médecins avaient eux-mêmes crus à un véritable miracle car visiblement, la jeune femme avait été plongée dans un coma profond pendant une période de plusieurs années dont ils n’étaient pas encore fixés pour le moment. Cette période vacillait selon le diagnostique entre 4 ans et demi et 5 ans. Toujours est-il qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait là, sur le continent américain alors que ses derniers vagues souvenirs remontaient à l’Angleterre. Puis il y avait ces douleurs multiples, une fracture aux côtes et diverses anomalies nécessitant des injections de morphine pour soulager le mal. L’atteinte neurologique était encore pas complètement connue et pas non plus complètement détériorée. La jeune femme ne savait pas quel jour on était, en 2017, elle se rappelait vaguement de choses pendant sa mission ou du moins les préparatifs, pas vraiment la mission elle même. Le reste était complètement flou. Sur sa vie personnelle, il y avait encore de nombreuses méconnaissances à rétablir. Comme si elle devait ré-apprendre qui elle était. Les médecins n’étaient pas complètement négatifs en disant qu’elle pourrait peut-être s’en remettre mais qu’il faudrait du temps. La maladie coronarienne n’avait rien simplifié mais chance, cela ne l’avait pas encore tué.
Pendant 24h, l’assistance respiratoire avait été nécessaire et un ergothérapeute lui avait été adressé dans les jours à venir. Un séjour en hôpital était bien évidemment nécessaire d’autant plus qu’elle ignorait ce qu’elle faisait là et comment elle était arrivée jusqu’ici. On lui avait conseillé de renouer avec les gens dont elle se souvenait, sa famille éventuellement pour raviver des souvenirs et éclaircir des incompréhensions. Le souci était que personne ne savait qu’elle bossait pour le MI5 et dans l’immédiat, cela paraissait irréel aux yeux de la jeune femme. Elle n’était pas encore suffisamment éveillée et consciente pour que tout lui revienne aussi aisément. L’amnésie avait fait quelques dégâts mais pas tous irréversibles.
La veille, l’anglo-italienne avait reçu un appel de son père, contacté par des personnes de l’hôpital de Vancouver. Il pensait sa fille morte, tout comme sa mère et la sœur Siena. Le père lui indiqua donc faire tout son possible pour venir dans les jours à venir même si elle avait encore du mal à réaliser.
Une infirmière entra dans la chambre, parla légèrement et apporta les soins nécessaires. Siena retrouvait des capacités d’élocution sans pour autant avoir une force dans sa voix. Pour l’instant. « Excusez-moi, vous pouvez me rappeler ce que le docteur a dit… sur mon arrivée ici… sur ce qui m’est arrivé ? ». « Mme. Caruso, je ne suis qu’infirmière je n’ai malheureusement pas connaissance de toutes les informations. Le Dr. Mills a simplement dit que vous étiez dans un état de coma profond, visiblement depuis plusieurs années, et vous êtes arrivée après un transfert depuis l’hôpital universitaire de Seattle, il y a 1 mois que vous êtes ici à peu près » « Mais pourquoi j’étais à Seattle ? Et comment ça se fait que j’ai été transférée ici ? » « Je suis navrée, Mme. Caruso, mais je ne peux pas vous aider, excusez-moi j’ai d’autres patients à voir, on vous apporte votre collation tout à l’heure et si vous avez besoin de quoi que ce soit, appuyez sur le bouton ». L’infirmière était délicate et patiente, mais elle laissa quand même l’agent dans ses questionnements.
Caruso alluma la télé et zappa sur les informations. Elle avait du mal à comprendre l’actualité car évidemment, pendant 5 ans elle était quelque peu dans un autre monde. Le bruit étant trop désagréable, elle éteignit la télé avant de regarder vers la fenêtre. Elle aurait voulu aller se pencher sur le rebord, respirer l’air extérieur mais les médecins lui déconseillaient de sortir pendant quelques jours. Puis elle devait réapprendre à marcher par elle même sans être soutenue. Evidemment vous vous doutez que ne pas faire l’usage d’un corps pendant plusieurs années provoque des engourdissements, et des mécanismes sont à réapprendre en rééducation. D’ailleurs un kiné venait la voir deux fois par jour. La belle était encore un peu fragile. Elle voulut atteindre un verre d’eau aussi, posé sur la table de nuit mais trop loin. Elle tenta de l’attraper quand même mais manqua de peu de tomber du lit ce qui la fit rager. Trop de questions l’assaillaient et cette incapacité d’autonomie l’énervait encore plus. Elle entendit alors frapper à la porte et pensa qu’il s’agissait d’un personnel de l’hôpital.
Elle regarda alors en direction du petit couloir qui menait à la porte, voir qui surgirait et il s’agissait d’un homme, un homme brun, habillé de façon chic dans un costard. Pas un type de l’hôpital alors. Un médecin qui avait fini son service ? Non, elle ne reconnaissait pas bien la personne. Sa mémoire lui faisait encore bien défaut. Elle restait le regarder, immobile. Evidemment, le réflexe fût de s’interroger sur qui était-ce et ce qu’il faisait là. « … bonjour » dit-elle encore faiblement. « Hum… vous vous êtes perdu ? ». L’homme ne répondait pas; comme s’il venait de voir un fantôme. Ironiquement, Siena le trouva un peu pâle alors qu’elle était la malade. « vous devriez prendre un verre d’eau, ça n’a pas l’air d’aller… ». D’un geste de la main, elle indiquait la présence d’un verre sur la table de nuit.