Il faut que les premières notes du synthétiseur retentissent et que les baguettes du batteur frappent la caisse-claire pour que mon stress laisse place à la passion. Mon sourire s'étire discrètement, je croise le regard de quelques personnes installées dans le pub. Elles sont curieuses, indifférentes voire exigeantes, je préfère ne pas songer à ce qu'elles pensent. J'ouvre la bouche pour entamer la chanson et la chaleur de ma voix mêlée aux accords parfaits des musiciens terminent de me rassurer ;
Quoiqu'il advienne, je me donne à 200% jusqu'à la dernière seconde du concert. On me donne quarante-cinq minutes, elles seront intenses et riches en émotion. Parce que la musique c'est vivant, et tout ce que j'ai.
Les applaudissements ne faiblissent pas, au contraire. A la fin de chaque chanson je sens l'attention des client du pub se poser sur nous. Ils écoutent, relativement attentifs, de plus en plus réceptifs. Je tente de ne pas nuire à leurs conversations tout en échangeant avec eux suffisamment pour ne pas être un meuble de la soirée.
Se produire dans un établissement qui n'est pas une salle de concert, c'est un exercice auquel je me suis toujours plié. C'est un contact différent avec le public. C'est parfois même plus sympa qu'en salle ! Parfois, en revanche, la claque est douloureuse.
Tout se passe bien ce soir et nous saluons longuement les dizaines de personnes venues nous féliciter. C'est génial. Je remercie les collègues et me dépêche d'aller prendre une douche bien méritée.
Moins d'une demi-heure après le spectacle, nous nous retrouvons dans le même pub, un verre à la main cette fois.
C'est là que je
la remarque.
« ...je, j'reviens. »Dis-je en abandonnant le guitariste et le bassiste qui débattent sur je ne sais quel sujet sans importance. J'abandonne aussi mon verre, pour m'approcher d'une demoiselle dont le visage me semble bien trop familier.
Tandis que mes pensées fouillent intensément mes souvenirs – il vaudrait mieux que je puisse retrouver son prénom – je me manifeste d'un petit raclement de gorge, osant briser la drague d'un grand blond qui visiblement envisageait de séduire Sharlynn.
Sharlynn ! Bien sûr !!! Une des grandes amies de Fiona à l'époque du lycée ! Ma mémoire se réveille enfin.
« Sharlynn !... Je suis désolé de vous déranger, ça fait tellement longtemps ! » Imaginons que cet homme que je viens d'interrompre dans sa sérénade était l'homme de sa vie, son prince charmant ou juste sa cible du soir : je viens de briser l'une de mes plus vieilles amitiés ;