A peine arrivées. Mes propres affaires toujours enfermées sous vide. Soigneusement rangées dans un coin de la chambre. Parfaite coordination entre les différents éléments. Tableau idéal. Utopiste. A l'image d'une sculpture de tissus mise en œuvre par un véritable artiste. Pilier central d'un chaos qui s'ignore. Ou plutôt, se déguise.
Je rangerai plus tard. Rien ne presse. Nous sommes ici pour rester. Du moins, je l'espère. Il me tarde d'avancer. De reléguer au passé ce qui n'a pas - plus - lieu d'être. D'ouvrir une nouvelle porte vers cet avenir incertain. De retrouver des couleurs depuis longtemps oubliées. Négligées. J'en suis la première responsable. Je ne suis pas du genre à nier mon implication dans les faits. Je suis prête à prendre le risque. Je suis prête à me faire exploser la rétine. Crise d'épilepsie latente. Infarctus de la pupille. Implosion de l'iris. Texture imberbe aspirée par un invisible trou noir. Fissure intemporelle et omniprésent. Les mystères du néant.
J'accorde à un ersatz de sourire la suprématie de mes lèvres. Le rictus de la pulpe. Trop d'imagination tue l'imagination. Ou pas. Je vague et divague vers d'autres rivages. Je me laisse bercer par le son des vagues. Par la violence de la mousse qui claque contre les parois d'un ravin. Elle griffe. Elle mord. Elle hurle des inepties que personne ne prétend écouter. Et certainement pas l'océan. Poséidon, son géniteur, se moque éperdument de ses peines de cœur. Pauvre sotte. Qui croyait-elle donc berner ainsi?
Je secoue à peine la tête. Histoire de dissiper toute cette rêvasserie factice. Perte d'espace et de temps. Mes yeux se posent sur mon reflet. Le miroir de la salle de bain m'observe. Ou ne serait-ce qu'une impression? Nous nous jaugeons mutuellement. Sans un mot. Sans un jugement. Je sais ce que je vois. Je sais qui je vois. Je connais cette personne. Je connais la couleur de son âme. Je connais le goût amer de son péché premier. Mais qu'en est-il de l'autre? Celle que je reflète. Celle qui lui, le miroir donc, perçoit? Devine-t-il seulement mes plus noires pensées? Voit-il uniquement ce que je consens à bien vouloir lui montrer? Ou arrivera-t-il à se montrer au moins aussi fourbe que sa nouvelle colocataire? Sera-t-il mon allié dans cette lutte incessante des apparences? Peut-être bien qu'il arrivera à m'arracher quelques confessions intimes. Peut-être bien qu'il sera mon nouveau confident. Mon prêcheur du vrai. Mon maquilleur du faux.
>> Miroir, Ô beau miroir.
Je me sens telle la Reine dans Blanche-Neige. Et lui sera mon fou blanc sur l'échiquier de la vie. Du bout de mes phalanges faméliques je viens effleurer l'ombre de son - mon - sourire.
>> Nous garderons cela pour nous, n'est-ce pas.
Petit secret inavouable. Un de plus. Un de moins. J'ai perdu le compte il y a bien longtemps déjà. Je relâche cette pression éphémère sur un être qui n'est pas, n'a jamais été et jamais ne sera. Je ne suis pas dupe. Je sais ce qu'il en est. Je suis encore apte à discerner le vrai du faux. Cela n'empêche que sa proximité me rassure. M'empêche de sombrer. Du moins trop rapidement. Il est comme un point d'ancrage. Un phare défaillant dans une nuit trop noire. Dans une tempête trop forte. TROP. Il est là un mot récurrent dans la monotonie de mon mal-être. Oui, j'ose le nommer. J'ose lui donner consistance. A quoi bon nier l'inévitable? Si je suis ici, c'est pour démarrer une nouvelle vie. C'est pour laisser derrière moi ce qui n'aurait jamais dû être. Est-il que le changement a besoin de temps pour se mettre en place. Pour évoluer. Il a toujours été plus aisé de se contenter de la brise doucereuse de la théorie. Car la pratique est vile et fourbe. Invention déclinée par le Diable lui-même. Maîtresse surdouée dans l'art et la matière. Capricieuse petite tentatrice du Malin.
Assez de tout cela. Je m'arrache à ma contemplation morbide et quitte la petite pièce annexe pour rejoindre ce qui sera désormais ma chambre. Des murs crème. Vierges de toute précédente souillure. Deux fenêtres en tout point identiques. Coïncidence? Je reporte ce débat à plus tard. Elles donnent vue sur une étendue de verdure. Sur le monde extérieur. Sur cette colonie de fourmis qui s'évertuent à transformer la médiocrité du monde en un substitut d'harmonie. Dieu bénisse les ignorants. Cet internat vante les prouesses d'un avenir meilleur. D'une société élitiste. Le prix en soit témoin. Cela n'a jamais préoccupé nos parents outre mesure. Puis après un temps de réflexion il semblait logique d'entamer la colonisation par-delà l'océan. L'ancien continent pour notre CHER frère. Et ce nouveau monde tout prêt à être épluché par nos seuls serres petite sœur. Et en parlant du loup. Mon visage se tourne naturellement vers la porte d'entrée. Bien avant que tes doigts de fées viennent effleurer le chambranle, j'ai déjà deviné ta présence. J'ai déjà ressenti ton enivrance. A moins que cela n'ait été la mienne? Tu n'as même pas besoin de frapper. Je sais.
>> Tu peux entrer.
Une si grande chambre. Et pourtant seulement un lit. Me pardonneras-tu seulement de t'avoir ainsi congédiée?
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Sujet: Re: Hide [PV Carmine] Jeu 30 Mar - 1:14
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And when you can't, bury.
A peine arrivées. Carmine sourit au rien devant elle, au flou de ses yeux qui peine à distinguer les murs, le sol, le plafond, la fenêtre. Tout lui semble velours et soie. Tout lui semble neuf et propre, délicat et serein, désirable d'une belle et chaste façon.
Son sac se pose à ses pieds avec douceur, ses doigts laissant échapper peu à peu la lanière qui les retient. Elle inspire. La fatigue du voyage a demandé son tribu à son corps, à son coeur. Elle a soif, est trop fatiguée pour avoir faim, se sentant plutôt attaquée d'une nausée vague dont elle ne fera rien. Carmine s'avance d'un pas timide, prudent - comme celui d'une biche qui avance dans une forêt dense quand elle n'avait jamais connu qu'un enclos de parc sans abri. Vancouver. Une ville qui ne la connait pas, un Nouveau-Monde qui n'a jamais longtemps voulu des rois, des nobles et des antiques manières dont on leur a serré la taille. Sois parfaite ou étouffe, mon enfant, et si tu crèves fais ça loin des tapis persans et des regards perfides.
Des regards pourtant, il y en a eu - beaucoup. Trop. Mais alors qu'elle avance elle découvre un petit salon, minuscule, sans trône paternel, sans tableau de maître montrant une scène de chasse. Sans trophée. Sans le portrait de ce frère qui n'a jamais voulu prendre note de son existence. Il y a tout un océan entre l'Angleterre et elles, et l'océan que la ville regarde lui tourne même le dos. Carmine est la morte qui sent une bouffée d'air frais s'inviter dans son tombeau.
Elle avance. C'est impersonnel mais doux. Pastel. Petit écrin clair et douillet pour des silhouettes qui n'y feront que passer. Logements étudiants, existences de luxe à façonner. Jeunesse privilégiée, comme ils le disent, comme elle le nie. Pauvre petite fille riche... Elle ouvre les placards, vides comme ses yeux lorsqu'elle regardait son père lui faire la leçon. C'est pourtant à celui de sa mère qu'elle pense quand elle se penche sur le robinet. Laisse l'eau courant effleurer ses lèvres. C'est tiède. Avec un goût de fer et de poussière.
Elle boit pourtant. Se redresse un peu honteuse d'avoir lapé comme une chatte assoiffée. Jeune lady sans coupe à lever. Elle essuie ses lèvres, inspire doucement. Se dirige comme un marin qui se noie vers l'étoile du berger.
Sa soeur trône dans sa chambre. Elle irradie. Elle est si belle dans sa lumière, sa prestance. Elle est magnifique avec ce corps si pareil au sien, pourtant irradié d'une vie dont elle ne sera jamais que la parodie. Les sages et le peuple mentent, la chaleur est bleue et la mort est rouge. Elle se découpe, elle, comme une ombre dans l'encadrement de la porte. Tu peux entrer, fait son âme. Elle glisse sa paume contre l'huis - ça fait un petit son caressant - et se découvre. Pose son épaule au chambranle pour un peu de soutien. Sa robe grise souligne la délicatesse des cernes, le centre un peu plus sombre de ses lèvres pâles. Grise, pas noire. Pas de deuil, mais pas d'aveu de joie, ou seulement en demi-teinte. En secret. Elle aurait voulu être en blanc pour se marier à l'idée de la ville, pourtant...
-Alors, c'est celle que tu as choisie ?
Ses yeux brillent. Faible éclat d'une joie qui s'ose lorsqu'elles sont intimes. Carmine est si sérieuse dès que quelqu'un d'autre entre dans la danse. Perce cette bulle où elle n'est qu'elle que lorsqu'elles sont deux. Un seul lit, une chambre chacune. Carmine espère qu'elles pourront remuer les matelas. Qu'elle ira pelotonner le sien aux pieds du lit de sa Blue, comme une chienne, comme une enfant. Prétextera de l'entendre se confesser sur ses abus. Ses amants. Nourrir ses petites oreilles de vierge avide de concupiscence. Où elle s'imaginera être à sa place à elle. Et parfois non.
Peut-être qu'elle ramènera quelqu'un un soir. Peut-être qu'elle les entendra gémir. Elle cesse de regarder le lit. C'est mal. Salope, tu es une salope, murmurent ses plaies de cendre à l'oreille de sa conscience.
-Il faut qu'on aille faire des courses, je crois. Elle est sûre. Les choses matéreilles dont se couvrir pour ne pas être brouillons. Souillons. Honteuses. La discipline est bien ancrée dans ce petit corps trop sérieux. Tu m'habilles ?
Sa robe est froissée du voyage. A l'odeur de l'avion, des sièges du taxi. De ceux qui étaient assis à côté d'elles. Des peaux de vivants. Dieu, qu'elle n'aime pas sentir sa peau s'imprégner du parfum des vivants.
-Je le fais pour toi si tu demandes.
Et elles se coifferont l'une l'autres, en jolies poupées allant par deux et par contraste. Une image charmante que les anges se cachent. Que les démons s'échangent.
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Sujet: Re: Hide [PV Carmine] Jeu 30 Mar - 8:19
Non Carmine, bien sûr que je ne l'ai pas choisie. Si le choix avait été mien, j'aurais opté pour ta chambre jumelle. Tu le sais bien. La distance, je l'ai imposée. Je l'ai obligée. Un long couloir fade et sans intérêt nous sépare désormais. Mal nécessaire. Condition sine qua none. Un nouveau départ. Une nouvelle vie. Ne te rappelles-tu donc pas?
J'ose poser mon regard de velours sur ta silhouette de soie. Accolée contre le chambranle d'une porte qui perd tout son éclat. Pour autant que ce dernier était sien en début de parcours. Le décor se floue. Il perd en importance. Déjà qu'il en avait si peu à mon égard. Ma concentration toute entière t'est acquise. Entière. Immuable. Désavouée. Mes yeux t'effleurent. Mes sens te caressent. Le temps se fige un instant. Tu dois bien deviner que c'est uniquement toi qui a cet effet néfaste sur moi. Ton âme semble me sourire. Ou me narguer. Tout dépend du point de vue. La mienne se crispe. Plante ses griffes dans mes entrailles. Sert la chair jusqu'à la faire saigner. Hémorragie interne qui suinte son pus, mais seulement de l'intérieur.
Tic. Tac. Tic. Tac. Les aiguilles avalent les secondes et régurgitent le silence. Il n'a jamais été dérangeant. Parfois un peu oppressant. Tu gardes pourtant ce ressenti pour toi. Ne me demande rien. Et m'impose à la fois tellement. Pauvre idiote que je fais. Comme si un océan tout entier suffirait à laver tous nos péchés.
Des courses. Le mot perce et transperce l'espace-temps. Me ramène à une réalité que je tente si désespérément de fuir. Jolie utopie n'est-ce pas ... que celle de me croire supérieure à tous ces autres que toi. Je ne réponds pas. C'est inutile. Tu en connais déjà la couleur. Oui, nous devons sortir. Oui, nous devons aller découvrir le monde. Nous présenter à Vancouver. Créer de nouveaux avatars. Nous enduire de nouvelles apparences. Mais à quoi bon au final? Jamais je n'arriverai à te berner. Et encore moins moi-même.
Non. Je ne t'habillerai pas Carmine. Non. Cesse de me narguer ainsi. Non. Il suffit maintenant. Non. Arrête cela tout de suite.
>> D'accord.
Fourberie de bouche. Diablerie. Bouffonnerie. Qui donc pour croire un seul instant qu'il serait si aisé de se refuser au péché? Qu'il suffit de dire pour faire. Qu'il suffit de renier pour oublier. Je suis faible petite sœur. Et au plus tu t'approches, au plus mes barrières s'effritent. Au plus les parois s'érodent. Je connais ce regard. Je devine cette envie. Tu n'aspires qu'à une chose, c'est me voir ramener quelqu'un dans cette chambre. C'est coller son oreille si pure contre l'autre paroi. C'est de fermer les yeux et t'imaginer à ma place. A exprimer mon incandescence. A ressentir mes frissons. Pourtant il n'en est rien. Tout n'est qu'apparence mon ange. TOUT.
Ta voix est douce et transpire une innocence tellement bien voilée. Tu excelles dans l'art de la manipulation. Nous ne sommes guère jumelles sans raison. Je t'accorde l'espoir d'un sourire. Nous venons d'arriver. Je peux bien te concéder ce petit caprice. Demain, nous démarrerons notre nouvelle vie.
>> Tu n'as qu'à regarder dans mes affaires pour nous trouver deux robes assorties.
Complémentaires dans leur opposition. Comme nous savons si bien le faire.
>> Je vais faire couler un peu d'eau.
Je décroche, enfin, mon regard de ta silhouette envoûtante. Enivrante. Je me détourne. M'éloigne de toi. Retrouve le confort de la pièce d'eau. Fade. Morne. Parfaitement glaciale. Glacialement parfaite. Dans le miroir, mon reflet tente une nouvelle fois de s'accaparer mon attention. Je le lui refuse. Me contente d'ouvrir le robinet. Passe mes doigts frêles sous le rideau liquide. Attend que la température prenne.
>> On déjeune ensemble?
Suite de mots peaufinée par une ponctuation. Phrase sans intérêt. Rhétorique assumée. Pour combler le silence. Pour brouiller les pistes. Lentement je commence à déboutonner ma propre chemise. Mes pensées se calquent sur le bruissement de l'eau qui coule. Au fur et à mesure, mon corps se dévoile. Des vapeurs émanent depuis l'évier et viennent embrumer le miroir. Ombre de sourire malicieux. Non, tu ne verras pas. Il ne tient qu'à toi de deviner.
>> Tu trouves ton bonheur?
Lapsus révélateur. Mes doigts cessent pourtant leur ascension. Il reste deux boutons à dégrafer. Des plaies encore fraiches lèchent toujours le contour de mon épaule gauche. Deux fines lignes parfaites. Pas trop profondes. Mais suffisamment que pour m'avoir arraché une sensation. Cicatrices éphémères. Invisibles à l'œil inconnu. Que diras-tu en les découvrant ainsi sur moi petite sœur ...
J'espère que cela te plaira.
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Sujet: Re: Hide [PV Carmine] Jeu 30 Mar - 9:13
Hide
And when you can't, bury.
Les yeux sombres de la pâle s'éclairent quand sa chère grande soeur, son aînée de quelques minutes, lui concède sa demande. Elles s'habilleront l'une l'autre, rituel d'enfants sages qui vérifient dans la prunelle de leur reflet qu'elles sont impeccables. Qu'elles ne montrent au dehors qu'une façade toute lisse et toute parfaite. Sans accroc, sans accroche, ne cherchez pas à entrer, personne n'a sa place. (Elles ne l'ont plus elles-mêmes depuis longtemps.) Les rouages sont lisses et dérapent. Machine folle.
L'ordre est donné d'aller quérir les affaires et, ô grande dame ! Le petit chevalier est bien docile, à dodeliner de la tête en fermant ses grands cils vers les valises éparses. Les taches de couleurs sur la toile de l'endroit. Tous ces écrins qui crient Blue, Blue, Blue à chaque sac. Jusqu'aux détails des valises. Jusqu'au parfum subtil qu'elles dégagent. Tu aimes toujours autant la lavande, Blue ?
Elle pose les mains sur la première valise, relève la tête sur ce visage qui se détache du sien, qui s'en va vers la salle de bain. Qu'elle devine, qu'elle dessine. Elle ouvre la fermeture éclair, ça fait comme un son long et déchirant. Comme une page qui se déchire plutôt que se tourner. Nouvelle vie, nouvelles illusions. Est-ce qu'un océan suffirait à les laver, ces pêcheresses ? Pobablement pas. Anges de pétrole et de poussière. Carmine ouvre grand ce qui sert d'armoire de fortune et déplie soigneusement les affaires de sa soeur. Les pose sur le lit, une à une, formant des silhouettes de femmes éphémères, qui se chevauchent des bras, s'effleurent des hanches. Figures de jupes, silhouettes de robes. Elle ploie la main sous ses lèvres pour comparer. Artiste de l'instant à partager. Elle veut être parfaite - pour Blue - pour leur première sortie. Il faut bien présenter.
Comme si l'illusion d'une première fois donnait le ton à tout le reste. Jamais qu'un énième mensonge de vierge. -D'accord.
Bruit d'eau. Vapeur. Miroir brouillé, silhouette sororale volée qui s'enfuit, accuse à rebours le regard de la curieuse d'avoir guetté. Blue aime ses bains comme l'islande ses geysers. Carmine préfère l'eau glacée. Différence de caractère et deux descriptions possibles de l'enfer. Feu ou glace pour même péché. Elle tire à elle un ensemble d'un parme très doux, presque azur, et un autre coupé de façon semblable - un peu stricte - d'un violet plus sombre, plus affirmé, plus soutenu. Magnétique. A qui est désigné quoi est une évidence qui ne se commente pas.
Elle se redresse, approche de nouveau l'huis à petits pas du bout des orteils. Silencieuse espionne qui se glisse entre dans le cadre de la porte comme une envahisseuse. Comme l'enfant fauve, l'enfant blanche, qu'on avait jeté dans le nid d'une Blue adolescente. Avec tous ses secrets moches qui se sont découverts dans les rainures de ses placards personnels.
-Je n'ai pas vraiment faim...Y a-t-il un jour où elle est affamée ? Une nuit où elle pourrait admettre un besoin, une envie plus forte que ce que la raison dicte aux jeunes filles bien élevées ? Mais j'aimerais bien m'asseoir à une terrasse. Voir le littoral. Se confronter à une mer bien plus grande que celle au bas de Londres. Voir un océan qui moque jusqu'à l'Atlantique. Se faire confirmer jusque dans les poumons qu'elles sont loin. Qu'est-ce que tu veux manger ?
Leur finesse à toutes les deux est une virgule à leur discipline. A ce qu'elles s'imposent jusqu'au point final de leurs nerfs. Sentence dictée par la parentée.
Le tissu glisse. Les boutons résistent. L'oeil est attiré par les marques rouges sur la peau blanche. Elles sont pourpres - n'est-ce pas Carmine. Petite soeur penche la tête, arrondit les lèvres, souffle sur les cheveux qui les voilent encore un peu, les vilaines griffures. La dénonciation d'un acte de chair. Gravé. Dur. Elle murmure. Lèvres un peu pincées. Quel monstre s'amuse - qui jouit - en faisant du mal, même si peu, à son éternelle ? Celui là devrait souffrir davantage. L'a-t-il fait ?
-Tu veux un peu de crème ?
Une caresse pour panser. Un faux contact. Une façon aussi d'admettre sans parler. De détourner l'assaut sans y prendre garde. A quel point elle sait, à quel point elle ignore tout ce qu'elle fait, tout ce qu'elle inflige, tout ce qu'elle se fait infliger. Qui sait ? Elle pas. Elle jamais.
Elle cherche et trouve un petit porte serviettes, y suspend les vêtements précautionneusement. Défait l'élastique de sa chevelure qui s'épenche comme une nappe de nuit si intense qu'elle va jusqu'à tacher la brume couvrant leurs reflets. Ombre dans le miroir. Petit nuage démon. Défait la coiffe de sa jumelle de petites mains délicates. Innocentes. Sourit par dessus son épaule, penchée en avant pour se faire entrevoir du nez.
-Allez. Une petite tresse, aujourd'hui. Il y a du vent en bord d'océan.
Pose la trousse de toilette sur le rebord du lavabo crachant les volutes bouillonnantes.
-Tu aimes la couleur ?
Violet. Tout un poème, et.
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Sujet: Re: Hide [PV Carmine] Sam 1 Avr - 23:36
Le geste reste en suspens un instant encore. Au milieu, je devine le bout de tes phalanges effleurer le tissu. Frôler à peine la matière. Jamais tu n'iras la clamer pour tienne. Tu ne fais qu'y déposer son parfum. D'y distiller toute ta délicieuse infusion. Tu ne peux décemment pas t'en empêcher petite sœur. A me marquer ainsi comme tienne. A réclamer une appartenance qui pourtant l'est déjà. Je te laisse à tes douces illusions. A cette fausse innocence qui te sied tellement bien au teint. Si nous connaissons toutes deux le visage véritable du Diable, seule une ultime question persiste: de quelle couleur sont donc Ses mèches ?
Je souris. Encore une fois. A peine. Si peu. Pourtant je sais que toi tu aurais deviné. D'ailleurs je te sens approcher. A pas feutrés. Féline aux coussinets de voleuse. Tu pénètres cette pièce bien trop petite - étroite - pour nous deux. Même si les murs prétendent le contraire. Nous avons hérité d'une des plus grandes chambres de l'immeuble. Si pas LA plus grande. Un zéro de plus à ajouter au chèque mensuel. Même s'ils n'iront jamais jusqu'à le prétendre, nos parents veuillent au grain. Ils ne veulent que le meilleur. S'évertuent à débourser le plus cher. Prestige. Renommé. Tu sais aussi bien que moi que je suis la raison première d'une telle dépense outrancière. Toi tu n'es jamais considérée qu'à l'image d'un dommage collatéral. D'un boulet qui se traîne dans mon sillage. A moins que là encore il ne s'agit jamais que d'une interprétation à sens unique.
Un bruissement d'air dans mon dos. Ton souffle tiède tout contre ma peau. Mon âme frissonne. Mon derme, quant à lui, ne reste que fade et insipide indifférence. J'ai fini par réussir à le dompter. Si pas à l'apprivoiser. Cela n'a pas toujours été aussi aisé. Je dois me faire violence pour garder le contrôle. Pour ne pas céder à la facilité d'une certaine fatalité. Un instant de relâche et tout manquera de s'étioler. Tu ne me facilites pas la tâche. Mon corps réagit au quart de tour. Il est ton plus fidèle allié. Et mon plus carnassier adversaire. Trop préoccupée à lutter contre certaines pensées, je n'ai pas remarqué qu'il a continué à me déshabiller. La chemise s'adonne aux joies de la gravité. Elle semble comme suspendue dans l'air. Comme si le temps lui-même n'avait pas encore décidé à qui prêter son allégeance. Quel piètre menteur. Son choix est fait. Depuis tellement longtemps déjà. Je le maudis silencieusement de faire un tel affront à cette vilaine manie qu'est la maniaquerie.
Faim. C'est un terme qui nous fait cruellement défaut. A l'une autant qu'à l'autre. Peut-être même plus. Nous ne mangeons pas. Nous picorons. Nous accordons à nos anatomies respectives seulement de quoi se sustenter. Perdurer un éphémère instant de plus dans cette réalité qui nous exècre. Prolonger ce moment passé à deux. Dès lors je ne réponds pas. Du moins pas encore. Laisse-moi un peu de temps pour réfléchir veux-tu. Toi qui ne peux tout simplement pas te contenter d'un simple hochement de tête. D'une approbation mutine à une activité banale que nous ne sommes clairement pas capable d'accomplir. Quelle ironie. Quelle mauvaise blague.
>> Oui.
Même si la raison veut que je dise non. Pour la crème. Même si la morale, elle, veut que je m'abaisse afin de récupérer la chemise échouée. A enrubanner une fois de plus le péché ainsi librement exposé. Mais m'accroupir serait signer mon arrêt de mort. Serait me rapprocher d'une tentation plus vile encore. La dernière fois que je me suis trouvée à terre, tu m'as attirée tout contre toi. Tes doigts de fée dans ma crinière détachée. Une légère pression. Mon oreille tout contre ton bas-ventre. Et il s'est mis à chanter. Rien que pour moi. Alors j'ai pleuré. En silence. De l'intérieur. Tu n'as rien vu. Oui petite sœur, il y persiste encore quelques faiblesses que je refuse de te montrer.
Tu t'éloignes. Tu reviens. Entre les deux semble s'écouler comme une petite éternité. Pourquoi es-tu seulement partie ? Pourquoi es-tu revenue ? Pourquoi me cherches-tu, mais refuses-tu pourtant de me trouver ? L'ignores-tu donc toujours petite sœur ? Où n'aspires-tu qu'à te jouer de moi jusqu'au point de non-retour ? Celui où je céderai. Celui où je pécherai ?
>> Fais de moi mes cheveux donc ce qu'il te plaît.
Comme tu l'as toujours fait.
>> Mais en échange ...
Je me retourne. Lentement. Et pourtant trop vite que pour t'empêcher de riposter. L'index de ma main droite se glisse sous ton menton. Il t'oblige à me regarder. Toi dont les mains continuent à se jouer de mes cheveux à la fois similaires et on ne peut plus différents des tiens. Notre seul véritable péché mignon. A se demander laquelle des deux s'est faite colorer. Si seulement ils savaient ...
>> Aurais-tu quelque chose à me confesser?
Qu'essaies-tu donc de me cacher petite souris? Ou à m'arracher. A ta seule convenance. Non, ne dis surtout rien. Laisse-moi deviner. Laisse-moi plonger. Entre tes doigts. Au fin fond de tes yeux. Au creux même de ton âme.
Sans vraiment m'en rendre compte (ou si peu ...) voilà que mon visage s'est rapproché. Vilain, vilain, premier péché. Je me rattrape de justesse. Souris, encore une fois, face à un tel degré d'insolence. Et me déporte légèrement vers le haut. Du bout des lèvres, je viens le déposer à l'orée de ton front. Ce chaste baiser dont il est dit qu'il a réussi à réveiller la princesse du conte transformé. Quoi de mieux pour réellement panser une si odieuse plaie?
Déjà je relâche mon emprise. Je m'extirpe de ton hypnose. Te contourne. Te dépasse. J'attrape à la volée la robe de couleur parme.
>> Pas mal.
La couleur je parle. Même si toi, mieux que quiconque, sais pourtant que je ne jure que par le Rouge. Le Vermeil. Le CARMIN. Mais qu'à cela ne tienne, j'accepte le défi lancé. Je m'approche du lit parfaitement tiré et y dépose avec délicatesse et minutie la parure choisie par tes seuls soins. D'un subtil jeu de mains, je me glisse hors de ma jupe. Je ne garde sur moi que mes sous-vêtements de couleur pastelle. Entre nous, la pudeur n'a pas sa place. Même si elle devrait. Je décide consciemment de faire abstraction de la petite voix dans ma tête qui pourrait très probablement s'apparenter à la raison. Elle n'a aucun lieu d'être. Nouvelle vie. Nouvelles résolutions. Je me penche et attrape le vêtement démis de ses fonctions. Une telle négligence serait tout bonnement inadmissible de ma part.
>>Débarbouille-toi et viens m'aider.
A l'eau chaude, oui. Car il n'y a qu'elle capable de blanchir un tant soit peu le péché.