there's no time for this ♦ jules

" Qu'y sont chiants ces jeunes ! " Chaque samedi soir, le rituel de Brigitte la retraitée se répétait. Elle prenait sa tasse de thé, s'avachissait contre sa fenêtre de chambre et plissait les yeux en direction des lumières du casino quelques rues plus loin. Chaque samedi soir, Brigitte dans son taudis mal isolé peinait à fermer l’œil avec tous ces bruits ambiants. Le verre qui se casse sur le goudron, un rire hystérique qui cingle les oreilles, des gamins qui voudraient tant être drôles mais qui parlent un peu trop fort. En marmonnant toujours la même phrase à voix basse, la vieille dame réfléchissait par courts cycles sur ce qui pouvait tant amuser la jeunesse de maintenant.

La réponse à cette question, Lou n'était pas sûre d'avoir encore mis le doigt dessus. Pourtant, elle était au cœur de tout cela. Le cliquetis des machines à sous, le tintement incessant des jetons, l'odeur mélangée de sueur et d'alcool sur un fond de hard-rock joué plus loin par des artistes sur la scène, c'était la recette parfaite pour une journée à succès dans son casino.

Dans l'entrebâillement de la porte de son bureau, Lou pouvait observer, depuis un balcon en hauteur, la partie restaurant et concerts de son casino. Elle cherchait au regard pensif quelques têtes familières. Peut-être pourrait-elle sortir de son trou pour s'amuser un peu aussi.

Personne. Elle retourna dans sa pièce, se laissa tomber sur son siège à roulettes et consulta son ordinateur. Il y avait quelques e-mails. Quelques candidatures pour des postes d'agent de sécurité, d'autres provenant d'artistes pour se produire au casino. Absolument rien de ce qu'elle voulait réellement lire. Quelques bruits étranges se firent entendre en dehors de la pièce, mais Lou n'y porta pas attention.

Ses nerfs furent piqués à vif lorsqu'elle entendit un coup de feu.

Il ne suffit que d'une fraction de seconde pour qu'il soit suivi de plusieurs cris. Lou se précipita vers sa porte et l'ouvrit avec une prudence nerveuse.

Tout le monde s'était levé, certains cherchaient à fuir, d'autres se sont recroquevillés. Lou savait qu'il n'y avait qu'un seul agent de sécurité pour protéger une centaine d'innocents. Les autres étaient absents ou avaient démissionné il y a peu. Elle s'était dit que ce n'était pas si grave, que c'était une soirée comme les autres et que tout se passerait bien comme d'habitude. Pas cette fois. Elle fut forcée de le reconnaître. Au bout de quelques secondes, le responsable hurla à tout le monde de " fermer leurs gueules ", et un silence pesant retomba dans la salle.

Elle claqua sa porte d'un geste tremblant et imprécis. Elle tenta de mettre de l'ordre dans ses pensées. Son père lui avait dit maintes fois de toujours garder son sang-froid dans ce genre de situation. De déclencher l'alarme qui contacterait automatiquement la police. Mais sa tête tournait et ses mains tremblaient. Lou fit plusieurs fois le tour de la pièce avant de se rappeler de l'emplacement du bouton de l'alarme. Son doigt s'approcha de l'interrupteur. Elle entendit vociférer plus bas. Quelques mots se ressemblèrent pour former une phrase. Il en avait après elle. Son doigt se transforma en poing et elle appuya à plusieurs reprises sur l'interrupteur. Elle se laissa tomber à genoux contre le mur, en proie à la panique, tandis que l'alarme assourdissante s'était levée. La police était en route.