take me back to the start (ft. Ashton)

Parfois, elle avait vraiment besoin de s'éloigner de sa jumelle. Pas faute de l'aimer, il était clair que Zaharia aimait plus que tout sa jumelle, mais elle pouvait se montrer... envahissante. On pouvait qualifier la plus jeune de secrète, mais elle se sentait quelque part obligée étant donné les histoires qu'il y avait eu. Depuis qu'elles habitaient ensemble, juste toutes les deux, elle se chargeait du courrier presque chaque jour, juste pour lui épargner les disputes au moment où elle saura qu'il a toujours essayé de contacter la plus jeune. Elle fuyait ce moment, le redoutait, et l'espérait. Son frère lui manquait, c'était une évidence. Mais son frère était aussi source de problèmes dans la famille, à son plus grand regret. Elle aurait aimé avoir droit à son grand frère jusqu'au dernier moment, mais il était parti sans laisser un mot. A part pour elle, sur son téléphone. Et elle avait caché ça. Bien sûr qu'elle lisait tous ses messages, écoutait ceux qui étaient vocaux et lisait ses lettres, mais par conflit d'intérêts, elle préférait ne rien montrer à sa jumelle.

En se levant ce matin-là et en vérifiant le courrier, elle avait fouillé le tout avant de prendre celle qui lui était destinée, et prétextant devoir rendre un livre à la bibliothèque ─ce qui était en partie vrai─, elle enferma l'enveloppe entre deux pages et s'échappa de chez elle, livre en main. Elle n'avait pas encore pris le plaisir de la lire,  c'est seulement en arrivant tout près du bâtiment voulu qu'elle ouvrit le bouquin, déchira l'enveloppe pour y extirper la lettre et... Le coup de vent qui fait que le papier s'envole.

-NON ! crie-t-elle sans pouvoir s'en empêcher.

Alors qu'elle court pour rattraper ce qui lui importe tant, elle évite les gens en regardant au sol et a un petit soupir de soulagement en voyant que quelqu'un a coincé sa lettre sous son pied. Redressant la tête pour remercier la personne qui est sa sauveuse, son cœur rate plusieurs battements dès que ses orbes croisent ses identiques. Ashton. Qu'est-ce qu'il fait là, qu'est-ce qu'elle doit faire, qu'est-ce qu'elle doit dire ? Elle tourne ses questions dans sa tête sans y avoir de réponse, et finalement, elle fonce sur lui pour le prendre dans ses bras. Geste impulsif, mais bon sans qu'elle en avait besoin.

Elle avait toujours trouvé ça incroyable, les surprises de la vie. N'importe qui aurait pu arrêter cette lettre, mais il avait fallu que ça soit lui. Ashton. Zaharia n'avait aucun mot pour décrire ce qu'elle ressentait actuellement, c'était comme si elle revenait à toutes ces fois où elle bravait les interdits de leur mère juste pour lui parler et rester un peu à ses côtés. Un être vous manque et le monde vous parait dépeuplé, enfin une citation du genre, elle l'avait très bien compris quand Ashton était parti sans rien dire. Enfin, plus ou moins... Dans le fond, c'est la faute de la brune, et elle le savait, mais elle n'osait juste pas le dire. Pour ses parents, tout était de la faute de leur aîné, et pour sa jumelle aussi, alors à quoi bon se battre alors que ça sonne comme si c'était déjà perdu. Mais c'est naturellement qu'elle se retrouve dans ses bras, se jetant sur lui, comme si il s'était juste absenté en prévenant qu'il comptait bientôt revenir, alors qu'il ne lui a jamais dit qu'il comptait revenir à Vancouver.

-Tu m'as manquée, Ash, déclare-t-elle en le regardant une fois leur étreinte finie.

La plus jeune Green prend la peine d'examiner le plus vieux, comme pour vérifié qu'il est entier, et ça lui noue l'estomac de voir qu'il évite son regard plus que tout, et pendant ces instants elle se sent comme un monstre. Elle avait toujours cru bien faire, privilégiant certainement sa jumelle qu'elle avait délaissée pendant des années au final. Elle voulait s'excuser, mais elle ne trouvait pas les mots. S'excuser pourquoi ? Être une mauvaise sœur envers lui pour être une bonne envers Zekhyel ? La lettre en main, elle pince un moment ses lèvres entre elles avant de passer une main dans sa chevelure brune.

-Ça ne te dit pas qu'on aille à l'intérieur ? Car je commence à me les cailler..., demande-t-elle timidement.

La situation n'était pas sous son contrôle. Non, elle avait cette boule au ventre comme si d'une minute à l'autre, ces retrouvailles allaient virer à la catastrophe.  Même le fait de savoir qu'une météorite fonçait sur eux la faisait moins stresser que le fait de pouvoir parler avec Ashton, et peut-être, avoir à s'expliquer à propos de son silence radio.

Elle rentrait doucement dans l'établissement, comme si elle marchait dans le couloir de la mort, et commença par déposer son livre à la bibliothécaire avec un sourire, la lettre maintenant dans sa poche de veste. En parler serait encore plus gênant à son avis. Puis ils s'installent à une table, la brune peut sentir le malaise entre eux. Tant d'années se sont écoulées depuis la dernière fois qu'ils se sont vus, et un peu près tout a changé. Dans le fond, elle était enterrée par des souvenirs qui lui rappelaient à quel point elle avait être heureuse même si leur mère refusait que les filles s'approchent de trop de leur frère. Elle ne comprendra jamais cette haine envers lui.

-Oh, rien d'extraordinaire comparée à Zekhyel... J'ai fini mes études et je suis devenue assistante sociale, c'est clair que ce n'est pas le meilleur métier, mais j'aime bien aider les personnes qui en ont vraiment besoin, dit-elle en haussant doucement les épaules.

Est-ce que pour lui, ça sonnait un mensonge ? Est-ce que pour lui, c'était mal vu de dire ça alors qu'elle n'avait fait aucun effort pour lui répondre, ou même pour montrer qu'elle tenait toujours ç lui ? Trop de questions dans sa tête, trop de culpabilité dans son esprit pour une histoire qui déchirait une fratrie depuis des années. La plus jeune Green avait bon être naïve, elle n'était pas aveugle, et elle voyait très bien que parfois, sa sœur lui en voulait encore. Et en croisant le regard de son aîné, c'était comme si elle allait remettre ses tripes. Mais elle se contenta d'agiter nerveusement sa jambe avant de réenclencher la discussion.

-Et toi ? Où étais-tu parti, qu'as-tu fait ? Tu as eu l'occasion de voyager un peu ?

Elle se rappelait que sa mère lui disait de faire attention à qui elle aime, et, oh... Si leur ingrate de mère savait la vérité, ça serait la fin du monde. Mais elle ne le saura jamais, car c'était une vérité que Zaharia préférait elle-même éviter. Pourtant, elle se surprenait à y penser quand elle recevait ses messages ou quand le sommeil la fuyait, toutes ces fois, où elle s'est levée pour défendre son frère alors qu'il pensait qu'elle en aurait honte.

Elle préfère virer la conversation sur son frère plutôt que sur elle. Elle avait peur des représailles, ça lui coûtait quoi, de répondre à un message, un appel, une lettre ? Elle avait l'impression que l'enjeu était démesuré pour chaque personne dans cette histoire, que ça soit elle, son frère ou sa jumelle. Ils avaient tous quelque chose à perdre, et ça la tuait. C'était pour ça qu'elle était toujours aussi gentille avec tout le monde, car elle avait quelque chose qui lui empêchait d'avoir la conscience tranquille. Y a que les gens qui ont peur de quelque chose pour toujours se montrer sous leur meilleur jour, sans rien attendre en retour.

-Et... Ça te plait ? Est-ce que..., elle fit alors une pause, pinçant un moment ses lèvres entre elles. Est-ce que tu es heureux ?

Et voilà la question hypocrite. Celle que seule une fille qui refuse de répondre à tout contact posera pour alléger le fait qu'elle se sent fautive. C'est exactement le genre de question à ne pas poser quand pendant des années, on ne donne aucune nouvelle et on ne laisse aucun espoir à la personne qui vous aime, de quelque manière ça soit. T'es vraiment qu'un boulet, Zaharia.

-Tu mens. Je peux le voir. Tu es un excellent menteur, mais... Tes yeux disent l'inverse.

Et bon sang, qu'ils sont beaux ses yeux, mais ça lui manque de ne plus voir la même étincelle que quand ils passaient du temps ensemble. Comme un vide. Elle voulait retrouver Ashton, réellement, mais son cerveau lui disait que ça ne se faisait pas, et quelque part d'autre, son cœur lui disait qu'elle ne s'était jamais sentie bien autre part qu'en présence de son aîné. Un combat entre la tête et le cœur, comme toujours. Car elle avait passé des heures dans sa chambre une fois qu'il est parti, car elle n'avait pas eu le cran de crier à leurs parents leurs quatre vérités, car t'as raté trop d'occasions de le rappeler, de lui écrire en retour. Naturellement, Zaharia va chercher les mains du brun par dessus la table, serrant ses mains entre les siennes.

-Non, je vis dans un appartement avec Zekhyel. On a préféré partir, mais je ne sais pas si vivre avec elle c'est la bonne solution au final, répond-t-elle en baissant la tête, regrettant de dire de telles choses à propos de sa jumelle.