◊ Est-ce que Othalia était désirée ? Absolument pas. Tout comme son frère, d'ailleurs, mais leurs parents avec ce qu'ils ont appelé
"les aléas de la vie". Seulement âgée de 5 ans, elle comprenait très bien qu'elle n'était pas une princesse comme elle aurait aimé s'imaginer, loin de là, elle était le personnage dont personne ne se souciait. Regardant par la fenêtre de leur maison en plein milieu des bois, elle sent une claque derrière la tête et râlant, elle regarde le coupable. Son père avec l'air fâché.
«R'tourne au boulot ! On élève pas d'faiénants !» s'exclame-t-il alors que la petite brune sort de là, rejoignant son frère dans les bois pour s'occuper de cette forêt, même pas leur. Qu'est-ce qu'ils possédaient, de toute façon ? Pas grand chose. Voire pratiquement rien. Mais Othalia s'en contentait, sans avoir d'autres choix. Elle bossait bien, la plus jeune de la famille, elle accomplissait toutes ses tâches mais c'était jamais assez bien fait pour ses parents. Sauf qu'elle souffrait bien du manque d'amour parental, alors à la place, elle se consolait avec son frère. Lançant alors un regard à celui-ci avec un sourire malgré la tonne de travail qu'il avait, c'est seulement en voyant débarquer leurs parents qu'ils continuèrent leurs chemins différents. On dit qu'un lien entre un frère et une sœur est unique, peut-être cela était-il trop unique pour leur bien.
◊ Regardant l'immense campus, elle n'en croyait pas ses yeux. Cinq ans plus jeune que son frère, c'était assez difficile de le croire étant donné que physiquement, on lui donnerait bien la majorité ; grande et élancée, son regard était vif et son sourire en coin avait la capacité de retourner des têtes. Othalia regarde avec admiration tout ce qui se passe autour d'elle, ralentissant dans sa marche comparé à son frère qui se presse un peu mais qui s'arrête en voyant qu'elle ne suivait pas. C'était clair que voir autant de monde pour elle, c'était quelque chose de nouveau. A part sa famille et un renard égaré, elle ne voyait pas grand monde. Elle n'était pas réellement apeurée, pourtant, elle aurait de quoi l'être ; entre les nuits passées à la cave, les pieds rongés par les rats et les bras piqués par les araignées, les autres à se battre pour que son frère ne reçoive aucune punition, depuis que son frère était à l'université, elle jouait plus intelligemment avec ses parents. Elle commençait à comprendre les règles, elle en créait des nouvelles. Les siennes. Elle était maligne, la petite. Regardant son frère avec un grand sourire, il arque alors un sourcil.
«Comment ça se fait que tu ne te perdes pas ? C'est immense !» elle déclare avec un rire alors que Thomas la suit dans celui-ci. Parcourant les couloirs de l'université, ils s'arrêtent dans la chambre de l'aîné. Une fois la porte fermée, elle l'attire contre elle et l'embrasse sans prévenir. C'était vrai, tout ce temps sans se voir, ça avait créé un manque chez elle. Un manque de lui.
◊ Assise sur le siège le plus près de son frère, la table lui semble interminable. Il fallait donc tout ça pour former une assemblée générale, qui en plus, ne se déroule qu'une fois par an ? L'air impassible, Thomas n'arbore pas meilleure mine et de là on peut reconnaître leurs traits similaires, autant physiquement que caractériellement. Silencieux, taciturnes, mais sachant parler avec les mots justes. La plus jeune O'Connor n'avait pas eu droit à la chance de son frère, aller à l'université, mais elle avait assez appris à force d'écouter ce qu'il disait et en allant lire ses cours quand il ne les étudiait pas. Certes, elle avait encore à apprendre, mais elle était sûre de pouvoir y arriver. Elle ne se sous-estimait pas, ou du moins
plus, depuis qu'elle avait appris les règles du jeu. Quand l'aîné prend la parole, elle ne dit toujours rien et se contente d'écouter. Elle avait toujours été d'avis qu'il fallait du courage pour se lever et parler, mais qu'il en fallait encore plus pour rester assis et écouter. Elle avait peut-être raison, ou pas, mais elle était sûre d'une seule chose ; dans cette entreprise, elle ne serait pas n'importe quelle femme. Elle serait crainte et appréciée, juste mais sévère, attentionnée mais froide. Elle serait tout et rien à la fois, méchante et gentille, sœur et ennemie.
◊ Un sourire en coin sur le visage, cela fait un moment qu'Othalia a laissé son frère vaquer à ses occupations pour contempler la demeure où ils étaient, comparable à un château d'ailleurs. Elle regardait les œuvres d'art, l'air totalement émerveillée par tant de beauté. Elle s'intéressait particulièrement à l'art pour la vision des choses que chacun avait, et visiblement, elle n'était pas la seule puisqu'un homme qui avait peut-être l'âge de Thomas, voire moins, venait admirer avec elle. Le regardant du coin de l'œil comme elle savait si bien le faire, ce ne fut pas l'irlandaise qui commença la conversation mais l'inconnu.
«J'imagine que vous aimez l'art pour rester autant de temps devant un tel tableau ?» demande-t-il en posant son regard sur elle alors qu'elle sourit.
«Je vois que vous êtes perspicace, ça peut toujours s'avérer utile» qu'elle répond avec un air ironique.
«Merci, j'apprécie que vous remarquiez ce trait de caractère chez moi, je trouve qu'il n'est pas assez valorisé» et à cette phrase, la brune ne peut pas s'empêcher de rire. Osant enfin le regarder totalement, pendant un moment, son œuvre d'art préféré, c'était lui. Dans une pièce remplie de tableaux, de peintures, de dessins majestueux, elle n'aurait regardé que lui.
«Est-ce que vous êtes croyante, mademoiselle O'Connor ?» «Pas réellement. Pour moi, la religion est née le jour où le premier mythomane a croisé le premier naïf.» «Réflexion intéressante, j'y songerai plus souvent. Alors, oserai-je vous demander ce que vous pensez de ce tableau ?» «Je pense qu'il est à l'envers, en fait. Nous savons tous, qu'en réalité, les démons viennent du ciel. Bonne soirée à vous, je crains devoir m'éclipser pour parler à mon frère.» déclare-t-elle en finissant sa coupe de champagne et lançant un sourire à l'homme.
«J'espère avoir l'occasion de vous revoir prochainement»,
«Je crois que vous savez déjà qui je suis. Si vous voulez, j'ai un agenda plutôt léger la semaine prochaine» et lui lançant un dernier regard ainsi qu'un dernier sourire, elle le laissa pour rejoindre son frère qui les regardait au loin.
◊ Depuis qu'elle l'avait rencontré, Othalia était plus qu'heureuse. Ça leur avait mis du temps pour bâtir une confiance, mais au fur et à mesure qu'ils se fréquentaient, elle se confiait à lui et lui, il a de suite compris que la vie de la brune n'était pas saine. Que sa relation avec son frère ne l'était pas plus. Bien sûr, elle s'est tut quant aux secrets de son frère ; non, ça il n'avait pas besoin de les savoir, mais elle... Il savait dorénavant lire en lui comme dans un livre ouvert. Peu à peu, elle s'éloignait de son frère et ses sentiments pour lui, on pouvait dire qu'elle commençait même à avoir un sentiment de... dégoût pour lui. Et bien sûr, cet éloignement ne lui avait pas plu. Et que fait Monsieur O'Connor quand il n'a pas ce qu'il veut ? Il le prend par la force. Et ça avait fonctionné. Depuis le départ de son homme, l'irlandaise n'avait peut-être rien dit en une semaine mais elle sentait que la rage commençait à monter, et parfois il fallait mieux se méfier de son silence que de ses paroles. Et puis il a dit le truc de trop. Il lui a demandé comment elle allait, alors qu'il savait très bien. Son regard foncé a commencé à lancer des éclairs et son visage s'est fermé.
«Ne me prends pas pour une idiote. Tu l'as fait fuir. Il ne serait jamais parti autrement ! T'es vraiment le pire des enfoirés, comment t'as pu me faire ça ? A moi ? A moins que ça ne te rende malade que je sois heureuse et pas toi ? Je te promets que j'aurai ma vengeance, Thomas. Frère ou pas. Amant ou pas. Passe une bonne journée, à présent. Elle lui a tourné le dos et est retournée dans ses appartements. Mais elle est retournée aux mauvaises habitudes, à son plus grand regret, sa plus grande faiblesse, néanmoins elle n'oublie pas sa chère et tendre vengeance que son aîné va déguster. Elle pardonne, mais elle n'oublie pas.