Retour incertain. (Danilo)

Deux jours de retard. Un souci à l’aéroport avait fait en sorte que tu te choppe deux jours de retard face à ta date de retour, chose qui en soit, te mettait clairement les nerfs à vifs. Assis dans le taxi, front contre la vite, tu observais le paysage défiler. Etrangement, tu avais l’impression que celui t’était à peine familier. Deux semaines que tu avais quitté la ville pour te rendre dans les bas-fonds de l’Afrique, là où la guerre fait rage, là où tu avais également été blessé. Bras bandé, tu avais reçu quelques débris lors d’une attaque surprise. Rien de bien grave, la routine… Le véhicule s’arrête devant chez toi et, déjà, tu pousses un soupir de soulagement. Tu étais enfin de retour chez toi…Tu payes le chauffeur en silence, le saluant d’un signe de la tête alors que tu prends possession de tes bagages, de tes sacs et autres affaires que tu avais ramenés de ton voyage. L’espace d’une seconde, tu regardes la façade de cette maison qui t’a cruellement manqué. Tu aimes ton boulot, tu aimes tes voyages, mais tu aimes également revenir aux sources et surtout auprès de celui qui t’attends à la maison. Lumières allumées, tu devines que Danilo doit être dans les parages. En silence, tu te diriges vers la porte d’entrée. Clef qui s’enfonce dans la serrure, porte qui s’ouvre, tu entres, te laissant submerger par cette odeur si familière. Tes bagages en main, tu déposes ceux-ci dans le hall d’entrée, cherchant des yeux ton compagnon depuis bien des années.

« Dan ? » Ta voix porte dans la maison alors que ta veste glisse le long de tes bras, t’offrant en grognement au passage. La douleur n’est pas vive, néanmoins, elle est belle est bien là. Déjà, tu sais comment vont se passer les prochains jours. Tu vas t’affaler dans le canapé, tu vas éviter de sortir et tu vas tenter de retrouver tes marques. Tu vas lutter contre tes cauchemars, tu vas bosser sur ton ordinateur et surtout, tu vas tenter de passer du temps avec l’homme que tu aimes. Enfin, si il daigne montrer le bout de son nez…Plaçant ta veste sur le portemanteau, tu avances dans la maison, te prenant les pieds dans une de tes valises par la même occasion. « Bordel ! » Le décalage horaire va avoir raison de toi ! Un nouveau soupire s’échappe de tes lèvres alors que tu passes par la cuisine. Pas de Danilo. Tu en profites pour prendre une boisson énergisante dans le frigo, tes pas te menant vers le salon. « Chéri, je dis ça comme ça mais, j’suis rentré…je sais j’ai deux jours de retard, mais on a eu un souci à l’aéroport. La catastrophe, c’était horrible… » Prenant une gorgée de du liquide, tu cherches de nouveau ton compagnon. Pas dans le salon non plus…Il est quelle heure ? Tes iris se posent sur l’horloge murale. Vingt heures, ça t’étonnerait quand même qu’il ait été se coucher à cette heure-là.

Sorti ? Peut-être…peut-être avait-il oublié d’éteindre la lumière. Ça ne t’étonnerait qu’à moitié. Un lourd soupire s’échappe de tes lèvres alors que ta main glisse dans tes cheveux courts. Prenant ton téléphone, tu envoies un message à Danilo, lui annonçant que tu étais à la maison et surtout, que tu ne mettais pas la main dessus. Monter à l’étage ? Merci bien, tu viens de te taper plusieurs heures de vol, tu avais vraiment la flemme de monter des escaliers !

Mes doigts pianotent sur le clavier de l'ordinateur posé sur mes genoux. Je suis installé tranquillement dans notre lit conjugal et je m'adonne à un échange passionné, savoureux, sur un tchat internet devenu habituel. J'ai posé un fond musical érotique pour plonger plus facilement dans l'excitation que ces hommes me procurent, vite nerveux de me caresser dans un silence pesant. Je n'allume jamais la caméra, je me contente de recevoir et envoyer quelques photos de mon corps à moitié dénudé. Je me laisse alors entraîner par les mélodies et les mots aux promesses cupides affichés à l'écran. Je participe avec beaucoup moins de malaise qu'auparavant, me détendant sous le flot de désir qui m'emporte. Ma main vient même se glisser contre ma virilité tendue, tandis que mes lèvres échappent quelques soupirs de plaisir. Je me délecte de cet instant gourmand, imaginant des scènes plus passionnées les unes que les autres, enflammant mes reins comme autrefois. Je retrouve le goût de cette luxure exquise, de cette fougue incontrôlable ; et surtout de cette flamme qui me brûle les entrailles.

Quand je remarque que mon téléphone s'allume, je détourne légèrement le regard de l'ordinateur pour connaître l'identité de celui qui vient m'emmerder ce soir. Pourtant je tombe sur "Amour" et je relâche la poigne ferme contre ma virilité pour regarder de quoi il en retourne. Tu m'indiques que tu te trouves en bas mais que je ne semble pas être présent. Surpris et paniqué, je ferme toutes les pages de mon appareil, le pose sur la table de chevet, avant d'enfiler mon boxer à toute vitesse. Je passe par la salle de bain pour me nettoyer les mains et descends sans précipitation, comme si je venais d'apercevoir ton message défiler sur mon écran. J'ai un sourire naturel contre la bouche et je te salue lorsque je parviens en bas des marches. « Hey ! » Je me dirige vers toi, t'attrape par la nuque pour approcher mon visage du tien et t'embrasser tendrement. Le genre de baiser furtif devant lequel notre passion s'est envolée. « Excuse-moi je lisais et j'avais le casque sur les oreilles. » Je te mens avec expertise, t'accordant un beau sourire pour ne pas éveiller tes doutes. Je n'ose même pas t'avouer que je croyais sincèrement que tu rentrais dans deux jours encore. « Tu veux que je te fasse un truc à manger ? » Je te demande contre ton oreille, alors que mes bras entourent ta taille pour te serrer contre moi. C'est un bonheur que tu sois là, malgré tout. Je suis toujours content de te croiser. Et puis il y a Yoki, mon golden retriever, qui vient aboyer près de nous, qui tourne autour et bouscule nos jambes. « Je crois que lui aussi est heureux de te voir. Pourtant il a dormi toute l'après-midi. » Je commente en riant, puis me recule de toi pour lui laisser la liberté de te retrouver et aussi pour m'abaisser quelque peu et caresser le sommet de son crâne. Avant de surprendre un bandage collé à ton bras, et je m'inquiète sans tarder. « Tu es blessé ? » Je saisis ton bras entre mes mains pour détailler les dégâts.

Incertain, tu ranges ton téléphone dans ta poche, soupirant face au calme environnant. C’est ça qui te manque le plus sûrement. Le calme. Pas de cris, pas de pleures, pas de larmes. Non, juste un silence imposant qui fut bientôt rompu par des bruits de pas à l’étage. Ton regard se lève vers le plafond, alors que tes sourcils se fronces. Rapidement, tu comprends qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer, c’est sûrement Danilo qui vient de recevoir ton message. Pourquoi ne t’a-t-il pas entendu s’il était ici ? Ta curiosité de journaliste est piquée à vif. Faisant quelques pas vers le canapé, tu l’entends descendre les escaliers jusqu’à ce que sa voix résonne à ton oreille. Distraitement, tu tournes ton regard vers la silhouette qui vient d’apparaître, un sourire étirant tes lèvres à la simple vue de l’homme qui partage ta vie depuis seize longues années. « Hey. » Canette toujours dans la main, tu l’observes approcher. Sa main se posant dans ta nuque, ses lèvres rejoignant les tiennes pour un baiser. Il t’a manqué, ça t’a manqué. « Tu lis en écoutant de la musique toi ? C’est nouveau ? » Ce n’est pas une réflexion, non, plus une constatation dite avec le sourire. Déformation professionnelle, tu es curieux de tous et le moindre changement te saute généralement aux yeux. Heureusement, sinon tu serais un bien piètre journaliste. Ton bras s’enroule autour de lui alors que tu déposes un baiser sur la peau de son cou, retrouvant cette odeur familière qui est la sienne.

« Je veux bien, j’ai rien mangé dans l’avion et je n’ai pas eu le temps d’avaler quoi que ce soit avant de quitter l’hôtel. » Au moment où tu veux poser tes lèvres sur son front, tu sens une masse te percuter les jambes, sauter autour de vous avec une agitation non dissimulée. Un rire rogue s’échappe de ta gorge en reconnaissant sans mal Yoki qui vient te saluer, comme souvent lorsque tu rentres de voyage. Instinctivement, tu te baisse pour lui offrir quelques caresses. « Apparemment, il n’a pas assez dormi, hein mon grand, tu pètes la forme à ce que je vois. » Tout ça. Oui, tout ça tu as travaillé dur pour l’avoir. Une vie de couple, une maison, un boulot que tu aimes. Et pourtant, ça ne semble plus te suffire. Tu désires tellement plus avec l’âge. Une famille, un mariage, une vie plus stable, moins de voyages. Tu sens la main de ton compagnon atterrir sur ton bras, ayant remarqué le pansement qui s’y enroule. Haussant un sourcil, tu vois son air inquiet se propager à l’horizon. « Quelques débris que j’ai ramassé en plein vol lorsque j’étais sur le terrain, rien de bien grave, c’est superficiel ne t’inquiète pas. Puis, c’est les risques du métier, tant que je ne rentre pas une jambe en moins. » Tu tentes d’en plaisanter, de mettre ça sur le ton de la rigolade. Pourtant, au fond, tu sais que tu ça pourrait arriver.

Te redressant en soupirant tu repousses légèrement Yoki qui n’a apparemment, pas eu sa dose de caresses, pour te diriger de nouveau vers la cuisine. « Et si tu me faisais un rapport de ce que j’ai pu rater ? » Tu poses ta canette à moitié vide sur le plan de travail, prenant soin de te laver les mains au passage. Tu aimes bien les animaux, mais toucher de la nourriture après avoir caressé le chien c’est moyen…Calmement, tu enlèves ton t-shirt, prenant tes aises, pour revenir vers Danilo et enrouler tes bras autour de sa taille. Ton regard se plonge dans le sien, ce regard qui n’a jamais cessé d’exprimer tes sentiments à son égard. « Tu m’as manqué…un petit peu… » Rire moqueur qui traverse tes lèvres, tu déposes un baiser sur les siennes, laissant échapper un soupire de bien-être.