Relever la tête et ne pas perdre espoir, voici les deux seules raisons qui te maitiennent en vie (ft. Floralyn)

Tu la regarde allongée dans son lit, entourée par ses enfants, la main tenue par son mari. Elle est pâle. Elle a l'air si fragile. C'est comme dans un rêve. Un abominable cauchemar en fait. T'as l'impression qu'elle va partir, vous quitter, qu'elle n'est plus faite que de papier que le vent pourrait emporter d'une simple brise. Tu restes là, debout, à la fixer comme si tu étais ailleurs. Comme si ton corps et tes émotions ne t'appartenaient plus. T'as l'impression d'être une étrangère. Tu te demandes pourquoi ça vous tombe dessus à vous. Pourquoi est-ce qu'il faut que ça tombe sur votre famille ? Ferschlin vous pousse vers la sortie. Il envoie du courage à votre mère. Tu les regarde sortir et tu t'apprêtes à les suivre. - Floralyn, souffle la voix de ta mère. Tu te mords la lèvre inférieure et tu te retournes avant d'aller te blottir en courant dans les bras qu'elle te tend. Tu sens ton père te caresser les cheveux. Tu ne peux pas t'en empêcher. Tu as toujours été si proche d'elle, si proche d'eux. Vous avez tous les trois un lien particulier. - Tout ira bien mon bébé. Je suis plus coriace que j'en ai l'air. Tu fais un pauvre sourire à ta maman puis tu sors à ton tour de la chambre.

Sentant la tension qui règne en bas et incapable de l'affronter tu fais ce que tu fais toujours dans ces conditions. Tu vas t'enfermer dans ta chambre pour dessiner ou pour jouer du violon. Ton instrument de prédilection, c'est le piano mais le violon est aussi un peu ton préféré. Comme un doudou que tu serrerais contre toi quand rien ne va. Tu aimes en jouer quand tu ne vas pas bien. Ca te permet de t'éclaircir les idées, de hurler sans avoir à ouvrir la bouche, de laisser libre court à tes émotions. De la fratrie, tu as toujours été la plus douce, la plus sensible, la plus fragile. Tout le monde le sait même toi, et tu l'acceptes. T'es pas du genre à monter au créneau pour tout et rien, pas du genre à cogner ou à hurler pour un oui ou un non. Tu es plutôt silencieuse, du genre observatrice et perspicace. Quand il faut hausser le ton tu es là, et comme tu ne le hausse pas souvent, ça fait que parfois on t'écoute. Pas toujours. Tu restes l'une des plus jeunes.

Arrivée dans ta chambre tu mets la musique en fond sonore puis tu attrapes ton violon. C'est un de tes plaisirs. Jouer sur de la musique de base. Rajouter le violon classique sur de la techno. Dans ta tête ça se mêle bien. Parfois tu joue juste classique sans musique. Mais là il faut que tu te vide la tête. Alors tu fermes les yeux et tu joues, tu laisses ton âme se fondre dans la musique, guider ton archet. Tes larmes roulent sur tes joues et tu ne les retient pas. Elles font parties de toi, de la musique. Debout dans ta chambre, dansant presque sur la musique tu joues encore et encore pour tout oublier. La maladie de maman, son déclin, l'impuissance de papa, la déchirure, les tensions dans la fratrie, les blessures, les cassures, les mensonges, les secrets. Quand la musique fini tu es presque à bout de souffle. Ca va à peine mieux. Il te faudra jouer longtemps pour te calmer complètement. Une voix te sors de tes pensées et tu sursautes en te tournant vers Ferschlin. Parler. Parler de quoi ? Tu essuies tes larmes comme pour te montrer forte. Et tu lui fais un pauvre sourire.

- Ca va. Y a rien de plus à en dire. Tu poses ton violon et tu t'assois sur le lit. Il y a toujours de la musique en fond sonore. Il y a toujours de la musique dans ta chambre, à croire que tu peux pas vivre sans. Fer' vient s'asseoir près de toi. Tes mains bloquées sous tes cuisses, tes pieds faisant des allers-retours sur la moquette, tu sembles à la fois présente et absente. Tu veux en parler toi ? tu lui renvoie sa question avec douceur. Ta toujours su écouter. Pas vraiment parler. Mais écouter oui. T'es en colère, tu fais remarquer doucement. T'as toujours été observatrice. Tu devine souvent les choses même si tu en parle rarement. Elle va guérir. Tu sais pas qui tu essayes de convaincre au final. Lui ou toi ça n'a pas d'importance. Vous êtes aussi perdus l'un que l'autre. Aussi perdus que vos frères. C'est maman qui tient la famille. Si elle disparaît ... tout explosera. Tu le sais comme tout le monde. Et les efforts de Freyr n'y feront pas grand chose ...    

L'archet glisse sur les cordes de l'instrument alors que tes doigts fins exécutent une danse délicate et rapide pour que les notes qui sortent de l'instrument soit d'une perfection totale. Tu virevoltes dans ta chambre incapable de rester en place, trop prise dans ta musique, empêtrée dans ces émotions qui te déchirent le coeur, te bloquent la poitrine, te serrent la gorge, t'empêchant de respirer. Tout ce que les mots ne peuvent dire tu les invente en musique. Tu exprime ta rage, ta douleur, ton chagrin, ton sentiment d'impuissance. Tu tape du pieds, tu tournes, tu laisses les larmes rouler, tu exploses en vol, tu as besoin de t'exprimer et tu n'y arrives pas en parlant. Ca ne veut pas sortir, tu ne comprends pas, et tu te perds dans les méandres des ces émotions trop brutales pour ton coeur. Le violon chante, il hurle, crie, pleure pour toi. Il te permet de tout vider, d'éclaircir ton esprit embrouillé, d'apaiser ton âme tourmentée.

Lorsque tu termine, tu as le souffle court mais le noeud dans ta poitrine s'est un peu apaisé. C'est là que tu remarques la présence de ton frère aîné. Il en fallait bien un pour venir te voir. D'habitude c'est Fark ou Frag. Parfois c'est Freyr. De temps à autres c'est Fox, quand ça ne concerne pas la maladie de maman. Aujourd'hui tout le monde est abattu et tu comprends que Fersh soit venu. Vous avez un lien très complice tous les deux, il te comprend bien. Tu comprends aussi combien il va mal. Bien plus qu'il ne le laisse apparaître aux premiers abords. Toi ça va mieux. Tu encaisses. Tu gardes espoir. Ce n'est pas le cas de ton grand frère et tu le comprends en un sens. Mais tu as toujours été la moins terre à terre de la famille toi, croyant en une puissance universelle au delà de ce que l'Homme connaît, au delà de tout. Une puissance te permettant de croire que ta douce maman va s'en sortir. Il est trop tôt pour qu'elle parte, tout le monde le sait.

- Je sais, tu murmures avec tendresse quand Fersh t'avoue sa colère face à son impuissance. Tu glisses ta petite main dans la sienne et tu la serre fort comme quand vous étiez enfant et que tu avais peur. Ton regard se teinte de tristesse quand il t'avoue qu'il n'y croit plus. Qu'il ne croit plus en rien. Puis tu lui souris avec cette douceur qui te caractérise tant et qui s'oppose totalement aux traits de caractère de ta jumelle. Ce n'est pas grave. Moi j'y crois assez fort pour nous deux. Pour nous tous. Tu es peut-être naïve. Ou peut-être trop confiante. Peut-être que Fersh à raison, que votre maman ne s'en sortira pas et que ton monde volera définitivement en éclat. Peut-être que tout s'écroulera autour de toi, que tu seras incapable d'encaisser et que tu perdras tout ce qui t'es le plus cher au monde. Oui peut-être. Et peut-être que maman guérira et que tout l'inverse se produira. T'es pas voyante. La médecine fait encore des progrès, des miracles. Tu veux y croire. Personne ne t'enlèvera ça du coeur et de l'esprit.

Tu dépose un baiser sur la joue de ton frère. - Personne ne peut constamment garder la tête haute et les épaules droites en ayant un poids si lourd à porter. Tu peux abandonner quelques heures, ne plus y croire aujourd'hui et recommencer à espérer demain. Elle n'allait pas bien tout à l'heure, c'est ce qui nous a touché de la voir si fragile. Pareil demain elle se lève avant nous tous pour faire le petit-dej comme avant. On ne sait pas Fersh. On ne sait rien. On ne peut pas prévoir. Mais ce que moi je sais, c'est que tu as le droit, comme nous tous, de ne pas te montrer fort pendant une journée. Personne ne t'en voudra. Tu souris et tu regardes ton violon. Une idée vient éclairer tes pensées. Tu te souviens de comment j'ai voulu apprendre le violon ? Fox et moi on regardait Pocahontas avec maman. On devait avoir je sais pas cinq ou six ans. Et il y avait cette chanson que j'affectionne tout particulièrement. Et j'ai dis "Maman, je voudrais voir ce que ça donne avec du violon derrière". Maman m'a regardé en souriant. Le lendemain elle m'offrait un violon. Tu attrapes l'instrument avec délicatesse. Je l'ai apprise cette chanson. Parfois, quand ça ne va pas je la joue et elle me remonte le moral. Tu te lève pour changer de CD puis mettre ton violon sous ton menton.

Tu fermes les yeux et tu laisse ton archet courir sur les cordes, recommençant cette danse entre lui et tes doigts, composant des notes parfaites pour en extraire une musique touchant droit au coeur. Tu ouvres les yeux pour regarder ton frère et lui sourire. Tu ferais n'importe quoi pour tes frères, pour leur remonter le moral, pour ne serais-ce qu'un sourire de leur part. Tu pourrais tuer, massacrer des populations entières si cela pouvait leur permettre de vivre en sécurité, heureux et en paix quitte à en mourir toi même. La chanson vous transporte ailleurs jusqu'à ce que tu la termine. Une larme roule sur ta joue et tu la laisses couler en fixant ton aîné. - Maman va guérir mon doux. Et si tu n'y crois pas aujourd'hui, laisse moi le faire pour toi et tu croiras pour moi demain quand ça n'ira pas. Tu lui tends la main pour l'aider à se lever et te blottir dans ses bras un moment avant de le regarder. - On va se manger une pizza ? On pourrait proposer aux autres d'y aller et ensuite on pourrait aller au parc, faire des jeux dans la neige comme autrefois, tu proposes d'une voix tendre.