Un client inattendu (Sparkay #3)

Une journée qui s'annonçait prometteur. Spark a un tatouage à faire aujourd'hui et comme à chaque fois, elle est dans un état de sérénité incroyable. La jeune femme était toujours très calme quand elle s'apprêtait à recevoir un client, un calme qu'il était très difficile d'ébranler. Il le fallait pour mettre les gens à l'aise, surtout si c'était leur première fois. Le premier tatouage, c'était comme perdre sa virginité: tu y prends goût pour toujours ou tu détestes à tout jamais selon la manière dont ton partenaire te prend. Et Sparkles se refusait d'être le premier mauvais coup de quelqu'un.

Elle avait déjà son dessin fini, un motif tribal très complexe qui faisait référence à un peuple soudanais très ancien. Ce tatouage lui prendra dix bonnes heures, douze si on compte les pauses. Rien de bien difficile, elle avait déjà fait des tatouages de maître de soixante douze heures. C'était pour le client que c'était le plus éprouvant souvent. Son salon, installé à l'arrière de sa maison, était déjà prêt. Assez spacieux, parce que la jeune femme adore l'espace. Coloré et éclectique comme elle, bien équipé avec tout ce qu'il faut pour qu'on s'y sente à l'aise. Il y avait même des toilettes et un petit coin pour manger ainsi qu'une petite pièce tout au fond emménagé pour faire un petit som. Elle déteste que des inconnus entrent chez elle et s'était assurée à ce que le salon soit équipé au maximum pour tous les besoins de ses clients, même les plus farfelus.

Elle jette un coup d’œil à sa montre: s'il est pile à l'heure, il sera là dans deux minutes. Elle sortit de son lit, releva ses cheveux et s'apprêtait à descendre dans sa cuisine se préparer un café quand la sonnerie retentit. Il est même en avance, c'est cool. Elle pressa le bouton pour déclencher l'ouverture automatique du portail et descendit. Le temps que le client traverse la grande cour et vienne frapper à sa porte d'entrée, elle s'était déjà versée son café et ouvrait déjà la porte tout sourire.

- Bonjour Willy !

L'homme qui se retourna soudain pour lui faire face contribua à effacer le sourire de bienvenue de la jeune femme. Elle connaissait Willy pour l'avoir déjà vu lors de leur première rencontre et celui-là n'était décidément pas son client. Spark se maudit intérieurement. Elle aurait dû regarder la caméra de surveillance. Pour une fois qu'elle n'y avait pas fait attention, il fallait que ce soit le mauvais timming.

Elle prit une gorgée de son café, et lança d'une voix très calme pour quelqu'un qui se trouvait devant un visiteur indésirable.

- Mon cher Jay. Vous me suivez jusque chez moi maintenant ? Intéressant. J'ignorais que je vous obsédais à ce point.

Elle laissa la porte grande ouverte mais ne bougea pas pour autant de l'embrasure. Ils n'étaient pas encore dans le salon mais plutôt dans la demeure principale et personne ne pénètre dans son antre sans sa permission.

- Alors, quel bon vent vous emmène ? Mais d'abord, qu'est-ce que vous avez fait de mon client ? Vous ne l'avez pas tué, rassurez moi. J'aurai du mal à dissimuler le corps d'un aussi grand gaillard.

Ell parlait d'une voix très calme, tout son être dégageait une sérénité presque anormale. Logique, elle s'attendait à recevoir un client, pas... lui.

Sparkles était silencieuse, regardant le jeune homme parler et se mouvoir à son aise chez elle. Il était venu pourquoi déjà ? Se faire tatouer ? Elle en doutait. La provoquer ? Peut-être bien. Lui montrer qu'il avait fait une enquête sur elle et avait découvert certaines choses sur sa vie à New-York ? Encore plus probable. Quoi qu'il en soit, Sparkles l'observait, se demandant sur quel pied danser avec lui. Le voir prendre possession ainsi de son univers et la priver de son client lui mettait la rage au ventre. Cet homme ne savait-il pas qu'il y avait des limites à ne pas dépasser, même dans une confrontation ? Elle pouvait s'énerver et entrer dans son jeu comme les deux dernières fois qu'ils se sont rencontrés, mais elle décida de la jouer différemment aujourd'hui. Du moins, pour quelques minutes.

- Vous avez de très bonnes relations à ce que je vois, mon cher. Avoir des résultats si... précis quand on fait une enquête sur moi, ce n'est pas donné à n'importe qui. Toutes mes félicitations, je vous tire mon chapeau.

Elle pointa sa phrase d'une révérence cynique, puis se dirigea vers sa cuisine renverser le café, jeter la tasse dans la poubelle et se resservir une autre tasse, toute en sachant que Jay le regardait.

- Je ne bois pas dans la tasse de quelqu'un d'autre, expliqua t-elle ensuite, d'une voix toujours calme calme mais pourtant très railleuse.

Puis elle s'installa en assis tailleur sur la grande table de cuisine et se mit à siroter tranquillement son café.

- Je peux me permettre de vivre dans le luxe, cher m'sieur. Je ne vois pas pourquoi je m'en priverai. J'aime les belles choses, pas vous ?

Elle marqua une pause pour voir sa réaction.

- Au fait, quand vous aurez fini de faire, le clown, vous pourriez me dire ce que vous faites chez moi et si oui ou non vous voulez vous faire tatouer.

Elle ne tomberait pas dans son jeu de provocation tout de suite. De la même manière qu'elle pouvait être volcanique, de cette même manière elle pouvait être très douce. Les deux fonctionnaient et mettaient toujours ses interlocuteurs en rage.

Assise sur sa table de cuisine toute peinarde, sirotant son café comme on siroterait du vin, Sparkles semblait dans une bulle. Elle s'était retirée et c'était comme si rien ne pouvait traverser sa barrière. Elle savait que Jay était venu pour une nouvelle confrontation, normal, il a dû y prendre goût depuis les deux dernières fois, mais elle se refusait de tomber dans son jeu. Pas maintenant, pas tout de suite, seulement quand elle le sentira à bout et prêt à exploser. Et en voyant son expression quand elle jeta sa tasse, elle se dit qu'il ne tarderait pas à perdre contrôle.

Elle prit doucement le carnet et regarda le dessin qu'il avait choisi. Indien, sans surprises. Elle avait dessiné cela en pensant un peu à lui en réalité. Mais bien sûr, ça il ne le saura jamais. Elle faillit rire quand il se lava les mains comme réponse au coup de la tasse. C'est bien l'indien, énerve-toi, explose, je n'attends que ça. Elle considéra le croquis un moment, comme si elle réfléchissait sérieusement sur le tatouage en question. Puis elle le jeta négligemment sur la table, descendit se servir un verre de vin et suivit Jay jusqu'à la porte d'entrée qu'elle prit soin de verrouiller derrière elle. Mais au lieu de le suivre à l'arrière de la maison où se trouvait le salon de tatouage, elle s'assit sur le perron et attendit. Le salon de tattoo était verrouillé, il pouvait pas entrer sans elle.

Il revient quelques instants plus tard et elle ne put s'empêcher de rire et de se moquer ouvertement de lui.

- On ne s'amuse pas avec mon art, monsieur Jay. Vous pensiez réellement que j'allais vous suivre et vous tatouer seulement parce que vous avez un torse de rêve ? Je choisis mes clients, ce n'est pas l'inverse. Personne ne me commande, fourrez-vous ça dans le crâne.

Elle se voulait toujours calme mais sa voix commençait à brûler. Ce mec avait besoin de limites, il avait besoin qu'elle lui remette les points sur les i et lui rappelle qui commande dans sa maison.

- Vous savez ce qui est drôle ? C'est qu'en fait vous êtes tellement sûr que vous pouvez me dompter que ça vous prend la grosse tête. Un conseil, redescendez d'un cran. Vous aviez peut-être la main facile avec les femmes de l'Inde mais avec moi vous perdez votre temps. Regardez-moi bien dans les yeux: personne n'a de pouvoir sur Ozaka McSinn. Même pas Dieu.

Sa voix éait froide, ses mots tombaient comme des couperets. Elle sentait sa fougue remonter. Elle était comme une bête sauvage, prête à bondir et dévorer tous ceux qui chercheront à la mettre dans une cage.

- Ne m'appelez pas Ozaka. Vous ne faites pas partir des privilégiés qui ont le droit de m'appeler ainsi.

Il était très proche d'elle. Trop. Elle pouvait sentir son parfum très masculin qui commença à lui monter à la tête. Son torse reluisant, ses abdos parfaits, ses cheveux qui lui descendaient dans le visage... cet homme était la définition même de la virilité comme elle les aime. L'attirance qu'elle ressentait pour lui était si forte qu'elle pourrait faire fi de toute cette comédie et sauter sur lui là tout de suite. Mais c'était sans compter le geste que l'Indien eut après: il jeta son verre de vin et tâcha son mur au passage.

- Je rêve, vous venez de tâcher mon mur ?

Sparkles vit rouge. Subitement, elle était très mais alors très furieuse. Quelque chose de bouillonnant monta en elle, comme un volcan en éruption et elle explosa. Elle donna un violent coup de genou dans le bas-ventre à l'homme en face d'elle qui se plia en deux sous le coup de la douleur, mais Sparkles ne lui laissait pas le temps de s'en remettre qu'elle lui asséna un crochet du droit qui le fit tituber. Il tomba sous le coup.

- Vous savez combien ça va me coûter de nettoyer ce mur ? Non, mais vous vous prenez pour qui ?

Elle était dans une rage folle, un truc incontrôlable. Comme si elle avait retenu une colère qui n'attendait qu'un petit déclencheur pour se libérer. L'homme essaya de se relever mais Spark n'en avait pas encore fini avec: elle lui balança son pied dans la figure et il tomba de nouveau.

- Écoutez moi bien, vous pouvez faire ce que vous voulez en dehors de ce périmètre mais quand vous êtes chez moi, vous obéissez à mes règles. C'est MA maison, vous entendez ?

Elle s'acharna alors alors lui donner des coups de pieds, tant et tellement qu'à un moment elle eut peur de le tuer. Elle s'arrêta alors, attrapa l'homme par les cheveux et lui murmura à l'oreille:

- Ça vous apprendra à manquer de respect à mon mur, bouffon.

Elle se rasseya en face de lui. Maintenant qu'elle s'était défoulée, elle avait envie d'une clope. Elle se leva pour attraper sa clé dans son Jean et se rendit compte qu'elle n'y était plus. Elle se contenta alors de saisir le mot de passe du verrouillage électronique pour que la porte s'ouvre. Elle regarda Jay d'un air mauvais.

- Il va falloir que je coupe vos mains pour vous enlever cette vilaine manie de voler tout ce qui est à votre portée.

Puis entrant dans le salon elle cria à son intention.

- Quand vous vous sentirez la force de marcher, entrez que je soigne vos bleus !

Elle ne regrettait absolument rien, bien au contraire. Il l'avait bien mérité.

Sparkles commença d'abord à s'allumer sa clope et se servir un shooter de vodka. Puis un deuxième. Puis un troisième. Elle avait besoin de se purifier, de laisser redescendre la rage. Elle surveillait du coin de l’œil l'Indien qui était avachie sur son canapé. Il va encore me le salir celui-là, pensa t-elle. Mais pouvait-elle lui en vouloir ? Elle s'était jetée sur lui et l'avais dépiécé. Non pas qu'elle regrettait, si c'était à refaire elle ferait pareille pour mettre un peu de limites à ce con. Mais elle devait avouer qu'elle y était allée un peu fort quand même. Pourquoi s'était-elle enragée comme ça contre lui ? Sûrement pas pour le mur. Et encore moins pour ses provocations ni leurs "querelles", elle adorait ça. Non, ce qui l'avait énervé depuis le début, c'est qu'il substitut la place de son client uniquement dans le but de venir l'embêter. Elle déteste qu'on s'en prenne à son travail, le tatouage c'est sa passion et elle tenait réellement à réaliser celui-là.

Anyway, c'était pas le moment de penser. Vu qu'il avait pris l'invitation au mot et était entré, elle allait devoir s'occuper de ses blessures. Malheureusement. Elle monta chercher sa trousse de secours et revint au salon. Sa clope entre les lèvres, le visage fermé, dénué de toutes émotions, elle imbiba un coton de désinfectant et commença tout doucement à tapoter les bleus aux coins de ses lèvres tuméfiées, puis au niveau de l’œil. Elle nettoya tout ça avant de passer à la blessure qu'il avait à la tempe. Rien de bien grave mais qui saignait pas mal quand même.

Elle procédait à ses gestes d'une façon très calme, s'arrêtant de temps en temps pour tirer sa cigarette. Très apaisée, elle n'avait plus rien de la furie qui s'est jetée sur ce voleur quelques minutes plus tôt. Elle ne lui parlait pas, se contentait de le regarder quand leurs yeux se croisaient. Il ne s'agissait pas d'éviter son regard pour qu'il aille croire qu'elle regrettait ce qu'elle avait fait. Si elle le s'occupait de lui, c'était juste par... elle ne sait même pas en fait. Juste comme ça. Juste parce qu'elle sait que si elle le laissait partir ainsi, il n'avait personne dehors qui voudra soigner ses blessures.