Silence, maraude ! [Ft. Dory Byers]

Le blister crissait sous ses doigts, ce qui lui provoqua un frisson de plaisir qui parcourut toute sa colonne vertébrale. D’un geste précis du bout de l’ongle,  et avec d’infinies précautions, il l’incisa, puis il contempla l’objet. Plus qu’un objet, il s’agirait plutôt là d’une relique. Le Blu-ray de Black Panther, plus de quinze jours avant sa sortie officielle, gagné grâce à quinze année d’écoute assidue de Good morning Vancouver, la radio qui stimule votre journée !  Et ce n’est qu’un début, car si les rumeurs s’avéraient fondées, il y aurait, cachée parmi les bonus, une interview de 12 minutes de Stan Lee, pendant laquelle il décortiquerait sa scène et expliquerait en quoi elle constitue le point d’orgue du film.
Sérieusement, comment rêver meilleure façon de passer sa soirée ?

Nous y voilà, le lecteur Blu-Ray vient tout juste d’avaler l’Œuvre (avec un grand Œ), Kelly est confortablement assis à sa place habituelle, prêt à atteindre l’orgasme fictionnel (le seul qui mérite à ses yeux d’être appelé ainsi, soit dit en passant), quand un vacarme provenant de l’autre bout du palier le fit tiquer.
Des éclats de voix, assortis de bruits sourds… Comme si on jouait à Twister, mais en sautant du mobilier pour atterrir sur le sol, main gauche… jaune, pied droit… bleu. Sans un mot il mit le film sur pause, resserra la ceinture de son peignoir de flanelle, et se dirigea vers son bureau d’où il tira une liasse de papier, avant de quitter aussi calmement son appartement.

Il frappa trois coups secs et rapprochés à la porte de l’opportun, avant de se rappeler qu’il ne connaissait pas son nom. Légèrement contrarié, il poursuivit quand même avec deux autres séries de coup et attendit qu’on vienne lui ouvrir, ce qui ne tarda guère. Sans laisser le temps à la propriétaire des lieux d’en placer une, il se présenta.

« Bonjour, je m’appelle Kelly Stansfield, et voici le règlement intérieur de la co-propriété. J’imagine que dans les deux cas c’est une première fois pour toi. »

Tout en parlant, il tournait les pages à la recherche d’une en particulier,  qu’il ne mit pas longtemps à trouver. Dès que ce fut fait, il lui mit le feuillet devant les yeux, tandis qu’il lui en faisait la lecture.

« SECTION II : Règles de vie pour une cohabitation harmonieuse entre copropriétaires et/ou leur locataires. ARTICLE 13, alinéa 2 : Afin de respecter la tranquillité de chacun, le volume sonore devra être limité à des proportions acceptables. La résidence ayant vocation à accueillir des familles avec enfants, le plus grand calme devra être respecté à partir de 21 heures. »

Triomphant, il jeta un coup d’œil à sa montre, qu’il ne tarda pas non plus à brandir au nez de la voisine de palier.

« Il est 21h02. »

Tout était dit. Le glaive de la justice allait pouvoir s’abattre sur la nuque de la coupable avec toute la sévérité qu’une telle conduite exige. Qu’avez-vous à ajouter pour votre défense, criminelle ?

Bien sûr, venant d'emménager, c'était obligatoire pour Dory de faire une crémaillère pour fêter son nouvel appartement, petit mais chaleureux... et assez grand pour faire une fête ! Le plus important. Et assez grand pour cacher son stock d'alcool, aussi. Elle avait eu l'occasion de se faire vite fait des connaissances en débarquant à Vancouver, et le bouche à oreilles, pour ce genre d'occasion, c'est toujours ce qui fonctionne le mieux pour avoir assez de monde et de quoi s'amuser.

La blonde avait tout préparé soigneusement et avait hâte de s'amuser, histoire de bien commencer sa vie au Canada, même si elle a un job pourri. Qui sait, ici, elle pourrait peut-être trouver un producteur qui la trouve parfaite pour un rôle et qui saura voir son talent à sa juste valeur. L'espoir fait vivre, n'est-ce pas ?

Arrivés depuis 18h, les invités se divertissent et la fête se montre bruyante mais pas trop non plus, étant donné qu'elle vit en appartement. Elle peut se montrer très blonde, mais pas irrespectueuse à ce point. Les heures passent et elle ne voit pas réellement le temps passer, c'est quand elle entend quelqu'un frapper à la porte qu'elle fronce les sourcils. C'est vrai qu'elle n'a pas encore vu la personne qui habite en face, venant même à penser que c'est juste une adresse pour ladite personne et qu'elle vit autre part pour x raisons. Toute souriante, elle ouvre la porte et s'apprête à la saluer quand il commence déjà à parler, alors elle écarquille les yeux. Et quelle idée d'appeler un garçon Kelly, aussi. Ça devrait être punissable par la loi, comme appeler sa fille Dory.

-... Bonsoir ?

Dory le regarde en arquant un sourcil, se demandant sur quel genre d'énergumène elle vient de tomber. Donc elle va devoir vivre en face de... cet homme. Ça promet. Ecoutant ce qu'il raconte, sa moue se transforme de plus en plus en une moue d'incompréhension. Elle soupire doucement avant de plaider sa cause.

-On a bientôt fini. En plus on est samedi, c'est le weekend, on peut bien encore dépasser d'une petite heure ? Et à ce volume, il n'y a que ton appart' qui peut entendre. Si les règles ne sont pas là pour être brisées, elles sont là pour quoi alors ?

Elle tente du mieux qu'elle peut de négocier juste une petite heure puis ils remballent tout et les invités repartent. Elle tente même son regard de chien battu et sa moue la plus mignonne.

-Si tu veux, tu n'as qu'à venir avec nous. Au fait, je m'appelle Dory !