when we first met (ft. Simon)

Ça craignait, de ne jamais avoir pu aller à l'école régulièrement, d'avoir passé la moitié de sa vie dans un lit d'hôpital. Que faire à vingt-trois sans un job, et comme seule occupation, un blog où on écrit sa pauvre et misérable vie ? J'avais juste de la chance d'avoir mon jumeau toujours présent pour moi, et prêt à me supporter à n'importe quel moment, même à son boulot. Si je n'avais pas eu réellement de parents présents, ou même aimants envers moi, au moins, j'avais Orion et Alice, et c'était amplement suffisant. Néanmoins, il restait le problème de ma scolarité irrégulière, de mon absence de diplômes valables et de job ; on ne pouvait pas dire que j'étais fainéante, mais c'était un quitte ou double d'embaucher une fille sans rien et en prime avec une maladie. C'était un peu comme demander à Hazel Grace Lancaster de faire des efforts physiques, alors que ses poumons sont foutus. Bref, résultat, je squattais le pub où travaillait ma moitié, assise seule à une table, ordinateur devant moi. C'était sûr que des amis, j'en avais... aucun. Et j'étais vachement nulle pour me sociabiliser, pas faute d'essayer mais j'étais totalement nulle avec les gens.

Les gens viennent et partent, et moi je suis là depuis midi, mangeant même là-bas et commandant ma boisson préférée ─soit un chocolat chaud, puisque je n'étais pas vraiment fan du café─ alors que je m'occupe comme je peux, en écrivant ou en regardant un film, une série, voire un documentaire historique qui me parait intéressant. Les secondes s'écroulent sans que je m'en aperçoive, les minutes se font remarquées et les heures, elles, me semblent interminables. Dans un décor qui ne change pas mais le monde si, moi, je reste tel un meuble, toujours dans la solitude la plus totale, parfois rejointe par mon jumeau, mais sinon je ne parle pas de la journée et reste sur ma chaise, écouteurs dans mes oreilles, mes yeux pas totalement rivés sur l'écran de l'ordinateur. Non, je regarde un peu tout le monde, les tables, sans vraiment prêter attention, jusqu'à croiser le regarder d'un homme qui semble me regarder aussi et poliment, je souris d'un air un peu timide avant de vite reporté ma concentration sur mon film, en espérant que je ne suis pas faite passer pour une grosse psychopathe. Manquerait plus que ça tiens...

C'était pas faute d'essayer, mais fallait dire que je n'avais aucune idée de comment aborder les gens "normaux", car non les rencontres à l'hôpital ne comptent pas étant donné qu'une partie concerne les infirmiers et médecines, l'autre les patients partis, et une autre partie concerne les morts. Bref, pas la joie tout ça. Donc, je crois que j'ai un peu été à la facilité en me raccrochant encore une fois à mon ordinateur, essayant de me "mettre à jour" au niveau des films et des séries. En regardant certaines tables autour de moi, je suis curieuse de savoir comment des gens peuvent aussi facilement tisser des liens entre eux ; et comment ils peuvent tout aussi vite les briser pour un mot mal placé, une pensée mal dite.

Alors que je tente de revenir à mon film en espérant ne pas m'être trop faite remarquer, j'ai une petite grimace en constatant que c'est tout le contraire et que l'homme s'avance vers ma table, s'y installent même tandis que j'essaye de me cacher derrière mon écran d'ordi. Raté. J'avale presque ma salive de travers sous le coup du stress, et je me redresse en refermant un peu mon laptop, je tente de faire le sourire le plus sincère possible et gentil alors que je cherche mes mots pour ne pas paraitre trop cruche, mais je sais qu'il est foutu d'avance. Est-ce que tous les hommes hors de l'hôpital sont beaux comme ça ? Car là désolée mais... Hum, pardon. Une réponse. Il veut une réponse.

-Bonjour ! Hum, en fait... Je regarde Star Wars. Je crois que j'ai légèrement rejoint le côté obscur de la force en commençant cette saga, je déclare maladroitement après un certain bug.

J'ai l'impression qu'il est marqué "Stupide" sur mon front et que d'un moment à un autre, un gars va sortir et me dire que c'est une caméra cachée, sauf que l'honnêteté des yeux de l'homme en face de moi me laisse croire qu'il n'y a rien de louche derrière ça. Juste quelqu'un qui veut connaître la fille bizarre dans un coin du pub qui passe plus de temps devant son ordi qu'avec de vraies personnes. M'ouais, c'est vrai que dit comme ça, ça parait louche.

-Vous n'oseriez pas me spoiler 40 ans de film en deux minutes ! je m'exclame, bouche ouverte pour me donner un air choquée avant de finalement rire. Enchantée, je suis Luna.

Je regarde dans la salle voir si mon jumeau ne se trouve pas dans les parages et j'ai presque un petit soupir de soulagement quand je constate que ma moitié doit certainement être occupé autre part. Non car j'adore Orion, c'est un fait, mais je le connais, et je sais que le fait qu'un inconnu me parle ne passera pas bien, et une fois à la maison, c'est va être une dispute monumentale, il va s'en vouloir car je suis fragile, je vais faire la gueule, lui taper à la tronche tout ce qu'il a déjà fait de mal même quand on était encore dans le ventre de notre mère, il va râler à son tour, je vais m'excuser puis la vie pourra reprendre son cours.

-Maintenant la question est... qu'est-ce que je ne dois pas faire pour ne pas que vous me spoilez qui est Dark Vador ? je demande, pinçant après mes lèvres entre elles alors que j'arque un sourcil.

Bordel de Dieu, qu'il est beau quand même. Je ne sais pas si je suis très objective étant donné ma récente sorti d'un endroit où généralement on voit des personnes amochées par la maladie ou par accident, et là, en le regardant, j'ai l'impression que mes hormones vont me lâcher. Il est tellement charmant que je me dis qu'il doit certainement déjà être avec quelqu'un, et à cette idée, je me ressaisis. Je vaux mieux que ça, je le sais, et je ne dois pas m'emporter, ça se trouve demain il ne se souviendra même pas de mon existence, comme beaucoup d'ailleurs.

Je dois avouer qu'il me fait rire, peut-être un peu bêtement, mais je ne peux pas dire qu'il est juste le gars lourd du coin qui pense uniquement à draguer pour avoir quelqu'un dans son lit. C'était peut-être son intention finale, mais si c'était le cas, il le cachait très bien car je suis vraiment très proche de croire que son visage angélique, comme il le dit si bien, est réel. Je ne peux pas m'empêcher de sourire ─bêtement certainement─ à la condition qu'il me met et pinçant un moment mes lèvres entre elles, je lui réponds enfin.

-Si ce n'est que ça, ça doit être faisable !

Je préfère totalement fermer mon ordi, en me disant qu'un film peut toujours entendre mais pas la vie, et c'était bien pour ça que j'étais sortie de l'hôpital, non ? Pour profiter de la vie ? A sa question, j'ai l'air un peu surprise, c'est vrai qu'on ne me demandait rarement ça étant donné que dès qu'une personne est à l'hôpital assez souvent, on s'abstient de demander comment elle va tout court.

-En réalité, il n'y a pas grand chose à dire sur moi... On va dire que je n'ai pas d'histoire, d'où le fait que je suis la fille qui squatte un pub juste pour regarder Star Wars. C'est triste quand même, n'est-ce pas ? je ris doucement et maladroitement. Et vous, alors ? J'imagine que vous avez une vie plus passionnante que la mienne.

Pendant un moment, mon regard se plonge un peu trop dans le sien et j'ai cette étrange impression que mes yeux ont uniquement été créé pour les siens. J'en ai lu, des histoires d'amour, partant de la plus heureuse à la plus triste, et jamais aucune de ces histoires ne m'a semblée aussi vraie qu'en ce moment-même. J'ai l'impression de faire quelque chose d'interdit ─car vous savez, tomber amoureux à l'hôpital, c'est un peu prohibé étant donné que ceux qui résident à long terme sont plus près de la mort de la vie, et si j'avais eu quelques amis, je n'avais jamais réellement aimé quelqu'un.

Je passe un peu mon tour, n'ayant pas trop envie de le faire fuir en apprenant que je suis fragile. Une fois que les gens apprennent que ça sera contraignant pour eux, ils fuient, j'ai un peu l'habitude ; mes parents l'ont fait, je sais que d'autres ne se gêneront pas pour la peine. Dans le pire des cas, une bonne série ou un film, un livre, mon blog et je serai repartie pour être une personne souriante et agréable. J'écoute alors Simon, un peu surprise par tout ce qu'il me dit. D'accord, il est loin d'être parfait, mais au moins on ne peut pas lui enlever le fait qu'il est honnête.

-Alors je peux vous dire qu'en prime de m'appeler Luna j'ai 23 ans, je n'ai pas d'emploi à part le fait d'être geek, ensuite... Hum, j'ai un jumeau, j'avoue en le regardant, baissant un moment mon regard. Il ne saura pas de suite pour la maladie. Non. Je refuse d'être prise pour une demoiselle en détresse, pas encore.