Baptiste - Let me forget all of the hate, all of the sadness

Il est né et a toujours vécu à Vancouver. Sa mère, Marie, avait trente ans et est québecoise, son père, Dong Bok, avait trente-deux ans. Elle est responsable de communication, il est chef d'entreprise. Une société d'import-export qui a longtemps été le cauchemar de Baptiste, jusqu'à ce qu'il décide qu'il s'en foutait. Il a grandi seul, ne pouvant compter que sur lui-même, ses parents étant tout le temps absent. Ils avaient engagé une gouvernante pour s'occuper de lui pendant leurs voyages d'affaire, mais elle se contentait de le mettre devant la télé, chose qu'il a toujours détesté. Se faire laver le cerveau par les médias, non merci. C'est ainsi qu'il a commencé à s'intéresser aux livres, à ses quatre ans, et appris à lire seul.

の Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'était pas ce que l'on appelle un bon élève. Enfin, si vous parlez des résultats aux évaluations, il a toujours été premier, même lors de sa première année de médecine. Cependant, niveau comportement... Il enchaînait les punitions, qu'il ne faisait jamais, lançait des avions en papier, des stylos dans la figure de ceux qui essayaient de suivre le cours et éclatait de rire quand ils se retournaient pour le fusiller du regard, contredisait sa maîtresse à chaque erreur qu'elle avait le malheur de faire. Si bien qu'elle finit par l'envoyer chez le psy scolaire, épuisée de devoir le supporter. Une semaine plus tard et des tests passés, on lui apprit que son élève était surdoué et qu'elle devait faire particulièrement attention à lui et à son bien-être. Elle s'en évanouit de choc.

の Il sauta en tout deux classes, se concentrant sur ses études pendant son temps libre, pour oublier l'absence de ses parents qu'il ne voyait que le soir, et encore. Ajouté à ça le fait qu'à cause de son comportement, il n'avait pas de réel ami, son adolescence ne fut pas la meilleure période de sa vie. Son enfance n'avait pas été extraordinaire, mais tout de même meilleure que l'adolescence, faite de hauts et de bas, mais vraiment hauts et bas. À 18 ans, après deux ans perdus car incapable de se concentrer assez pour des études à cause de cette humeur instable, il fut diagnostiqué bipolaire et les médecins eurent la chance de trouver le bon traitement en seulement quelques mois, lui permettant ainsi de commencer ses études de médecine.

の Avant que leur fils soit sous traitement ou même diagnostiqué, ses parents ont connu l'enfer, se sont maudits de leur absence, d'être incapable d'aider leur fils. Baptiste, bien qu'il ne le sache pas, est un accident et Marie aurait aimé avorter, mais elle a appris sa grossesse trop tard pour recourir à l'IVG par médicaments et ayant horreur des opérations chirurgicales, elle a été obligée de garder l'enfant. Elle a longtemps songé à l'abandonner à la naissance, mais par malchance elle a croisé ses parents en week end à Vancouver durant sa grossesse, et ne voulait pas leur infliger la souffrance de leur faire croire que son enfant était mort peu après sa naissance. C'est la raison pour laquelle les parents de Baptiste ne se sont jamais réellement occupé de lui avant ses quatorze ans et le début de l'installation de ses troubles, à un âge où il était tout à fait indépendant et refusait toute aide, jugeant ne pas en avoir besoin. Et pourtant, entre ses quinze et dix-huit ans, il fit dix tentatives de suicide. Persévérant dans tout ce qu'il faisait, il l'était aussi dans ce domaine. À chaque fois, ses parents réussissaient à lui éviter le séjour en hôpital psychiatrique. Sauf la dernière fois, le lendemain du jour de ses dix-huit ans, où il aurait réussi sa tentative, overdose médicamenteuse, à une heure près selon les médecins. Il passa deux semaines dans le coma, pendant lesquelles ses parents vinrent le voir tous les jours, sans faute, terrorisés à l'idée de le perdre. Cette fois, ils laissèrent les médecins l'hospitaliser en psychiatrie afin de trouver un traitement.

の Il a abandonné la médecine au bout d'un an et a commencé une formation en thanatopraxie, profitant de l'absence de ses parents pour s'y inscrire sans leur demander leur avis, convaincu qu'ils ne l'auraient jamais laissé faire, disant que côtoyer des cadavres à longueur de journée, ça allait le refaire tomber en dépression. Ce fut exactement ce qu'ils dirent, en ajoutant que c'était le plus gros gâchis auquel ils avaient assisté. De telles capacités intellectuelles, il aurait pu faire un si grand chirurgien. Baptiste les laissa parler, il était ravi de vider les défunts de leur sang et autres fluides corporels, entre autres interventions. Ne trouvant pas de pompes funèbres pour l'embaucher, il exerçait en libéral, allant travailler là où on avait besoin de lui.

の Début 2016, le rythme de travail commença à s'accélérer, provoquant un épisode de manie l'aidant à faire le travail qu'il avait à faire en temps et en heure. Lorsque l'épisode, dont il ne fit pas part à son médecin traitant lors du renouvellement de l'ordonnance, se termina, tenir le rythme commença à se compliquer. Au fil des mois s'installèrent fatigue, maux de dos, démotivation, cynisme encore plus marqué, hypersomnie, frustration, isolement malgré de nombreuses connaissances et amis, sentiment d'échec, anxiété, voire en cas de cadence vraiment trop rapide et de conditions de travail trop mauvaises des idées suicidaires. En novembre, après s'être endormi de fatigue et non d'ennui sur sa chaise tandis que son médecin parlait, ce dernier le força à lui dire s'il se sentait bien, car depuis plusieurs mois, il avait remarqué qu'il n'était plus le même, il n'annonçait même plus fièrement les nouvelles idées qu'il avait eu pour causer des ennuis à ses parents, la dernière en date étant l'araignée en plastique entre les deux oreillers de ses parents. Baptiste utilisa son explication classique, les mauvais côtés du cerveau surdoué qui le faisaient déprimer. Il évoqua aussi le fait qu'il était fatigué à cause de son travail, se plaignant des mauvaises conditions dans lesquelles il devait œuvrer, ainsi que du fait qu'il n'avait même plus le temps de se consacrer à ses œuvres de street art. Le médecin creusa sur l'aspect professionnel, et le jeune homme ressortit du cabinet avec un arrêt de travail de trois mois à renouveler si nécessaire et un diagnostic de burn out.

の A quelques jours de janvier 2017, Baptiste est toujours en arrêt de travail, angoissé à l'idée de reprendre, bien que son métier lui manque énormément. Il met à profit tout ce temps libre pour pouvoir prendre le temps de se reposer et faire ce qu'il n'avait plus le temps de faire, comme par exemple remplacer le sel par le sucre et apprécier la réaction de ses parents quand ils boivent leur café. Ou faire rentrer Muffin, lapin géant des Flandres de quatre-vingt-dix centimètres, dans la villa familiale, car pauvre lapin, il doit avoir froid dans son clapier à l'extérieur. Vu le nombre de bêtises qu'il peut faire, difficile de croire qu'il est surdoué. L'un n'empêche pourtant pas l'autre, et puis il faut bien rattraper le fait de ne pas avoir eu de parents pour en faire pendant son enfance.