Parfois, je me demande si mes lubies ne sont pas légèrement suicidaires. Je laisse un souffle chaud réchauffer mes mains endolories par le froid, sautillant presque sur place dans l'espoir futile de revigorer mes muscles. Vouloir courir avec une température extérieure aussi basse, ça relève de l'inconscience, voire de la connerie profonde. Et pourtant, je ne suis visiblement pas le seul à aimer me faire du mal, puisque j'aperçois quelques sportifs dépasser mon niveau. Posté à l'entrée du parc, j'attends. Mes iris anthracite glissent rapidement sur le ciel dégagé, puis sur ma montre, pour finir sur les zones ombragées du chemin principal. Allez Robin. Je sais que tu viens faire ton footing à cette heure-ci, ne me laisse pas souffrir seul. Le froid mord ma peau avec une vivacité qui m'échappe, alors que mes lèvres se tordent enfin dans un sourire ravi. Il est donc aussi dingue que moi pour venir courir avec un temps pareil. C'est rassurant. Je lève une main dans sa direction, un signe de salutation sommaire rapidement suivi par une voix plus rauque qu'à l'accoutumé. Le froid m'a laissé des marques, cet hiver. À moins que cela ne soit les chansons paillardes hurlées à trois heures du matin avec mes collègues de brigade. Peu importe. " J'espère que tu es motivé à bouger ton cul aujourd'hui, parce que j'ai pas envie de me geler le mien en faisant du sur-place. " Ma patience est enfin récompensée lorsque Robin se faufile à ma hauteur. Un gars bien, un caractère et un physique engageant, une foutue pipelette aussi. De quoi me motiver durant mes séances de sport intempestives.